L’église chaldéenne de Sherman (Kon Cixhor)

L’église de Sherman se situe à 36°48’04.9″N 43°43’33.2″E et 736 mètres d’altitude sur un petit promontoire au cœur du village.

On ne sait presque rien de l’histoire de l’église de Sherman. On ne connaît qu’un élément relativement récent de cette histoire : l’église de Sherman a été « achetée » par l’arrière grand-père de l’actuel propriétaire. Ce maigre élément est tout de même assez éclairant. Étant donné que 250 chaldéens habitaient à Sherman en 1913 et qu’on y trouvait une seule église, ce témoignage suggère que le village a été abandonné au début du XXe siècle, c’est à dire « à l’époque de l’arrière grand-père » et très probablement au moment des grandes persécutions antichrétiennes (Seyfo) des provinces orientales de l’Empire ottoman entre 1915 et 1918. Partie intégrante d’une propriété privée, l’église de Sherman est  édifiée sur un promontoire. C’est un édifice en moellons de pierres naturelles liés au mortier. Sur la pierre de seuil, on distingue une croix bâton gravée dans un cadre rectangulaire.


Photo : L’ancienne église de Sherman transformée en remise. Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Localisation

L’église de Sherman[1] se situe à 36°48’04.9″N 43°43’33.2″E et 736 mètres d’altitude.

Sherman, à l’ouest du Grand Zab est adossé au massif montagneux qui borde du Kurdistan d’Irak. Le village se trouve à 5 km en ligne droite (12 km de route) à l’est de Gunduk[2] et à 19 km au nord-ouest de la cité de Aqra[3].

Le village est également à 100 km à l’est de Dehok-Nouhadra et 93 km au nord d’Erbil.

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[1] Sherman était également nommé Scharmin. Le village est aujourd’hui nommé Kon Cixhor

[2] Le village de Gunduk est également nommé Nerem, Niram ou Nerem Gundik.

[3] Akra est également orthographié Aqra, Aqrah ou Akrê dans certaines sources.

Le village de Sherman avec l'ancienne église sur ce promontoire.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une histoire chrétienne

La tradition attribue l’origine de l’Église de l’Orient aux apôtres et évangélisateurs Thomas, Addaï (certains voient en Addaï l’apôtre Thaddée autrement nommé Jude) et Mari. C’est notamment auprès des communautés juives locales qu’aurait été prêchée la nouvelle religion. La localité de Aqrah, proche de Sherman, est connue pour avoir été un important centre communautaire juif jusque dans les années 1940[1].

Née de cette tradition apostolique qui s’est répandue en Mésopotamie au cours des trois premiers siècles, c’est surtout à partir du IVe siècle et des nombreux martyrs persécutés par le roi de Perse Shapur II que l’Église assyrienne de l’Orient est véritablement entrée dans l’histoire régionale.

De la très longue histoire chrétienne, retenons que ces montagnes, autrefois  très difficiles d’accès, furent tout à la fois le lieu d’épanouissement et de refuge de l’Église de l’Orient.

Les missions catholiques et notamment dominicaines y fleurirent à partir du XVIIIe siècle et arrivèrent à convertir les communautés chrétiennes locales au catholicisme.  C’est ainsi que les habitants de Sherman, autrefois membres de l’Église de l’Orient passèrent à l’Église chaldéenne.

Au début du XXe siècle, à la veille de la première guerre mondiale, le village de Sherman où résidait encore une importante communauté chrétienne chaldéenne, faisait partie du caza de Aqra dans le vilayet de Mossoul de l’Empire ottoman.

La situation des Chrétiens de ces régions reculées de l’Empire devint catastrophique lors du génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéo-Syriaques de l’Empire ottoman entre 1915-1918.

Le reste du XXe siècle ne fut guère plus heureux pour les Assyro-Chaldéens des montagnes du Kurdistan d’Irak. Entre 1961 et 1991, les différentes guerres qui opposèrent le régime irakien aux peshmergas kurdes eurent un impact très lourd sur les communautés chrétiennes et leur patrimoine dans ces régions souvent bombardées et notamment avec des armes chimiques, dont les populations ont été évacuées et dont les accès ont longtemps été interdits.

 

Épilogue d’une présence chrétienne

En 1913, on trouvait encore à Sherman une communauté chrétienne de 250 Chaldéens, dotée d’un prêtre, d’une église et d’une école[2]. Sherman était l’une des trois plus importantes localités chaldéenne du diocèse de Aqra. Un siècle plus tard, il n’y a plus aucun chrétien dans cette localité rurale[3]. La population de Sherman est devenue entièrement kurde musulmane. Malgré le grand mouvement de retour des chrétiens dans leurs villages d’origine, à la fin des années 1990 et après la chute de Saddam Hussein en 2003, aucun chrétien ne revint à Sherman. Ultime trace du passé chrétien de ce village, il reste l’église dans un domaine privé.

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[1] Source : http://diarna.org

[2] In L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui, Abbé Joseph Tfinkdji, 1913, Extrait de l’Annuaire Pontifical Catholique de 1914, p. 51. Sherman y est désigné sous le nom de Schirman

[3] Au jour de la visite de l’équipe MESOPOTAMIA à Gunduk, le 16 juillet 2017, il n’y avait pas eu seul chrétien dans le village.

Le promontoire sur lequel se trouve l'ancienne église de Sherman.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Épilogue d’une présence chrétienne

En 1913, on trouvait encore à Sherman une communauté chrétienne de 250 Chaldéens, dotée d’un prêtre, d’une église et d’une école[1]. Sherman était l’une des trois plus importantes localités chaldéenne du diocèse de Aqra. Un siècle plus tard, il n’y a plus aucun chrétien dans cette localité rurale[2]. La population de Sherman est devenue entièrement kurde musulmane. Malgré le grand mouvement de retour des chrétiens dans leurs villages d’origine, à la fin des années 1990 et après la chute de Saddam Hussein en 2003, aucun chrétien ne revint à Sherman. Ultime trace du passé chrétien de ce village, il reste l’église dans un domaine privé.

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[1] In L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui, Abbé Joseph Tfinkdji, 1913, Extrait de l’Annuaire Pontifical Catholique de 1914, p. 51. Sherman y est désigné sous le nom de Schirman

[2] Au jour de la visite de l’équipe MESOPOTAMIA à Gunduk, le 16 juillet 2017, il n’y avait pas eu seul chrétien dans le village.

La famille proprétaire de l'église de Sherman
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire et description de l’église de Sherman

On ne sait presque rien de l’histoire de l’église de Sherman. Pas même son nom. Les sources manquent. Même s’il convient de rester prudent en raison de son état, l’église de Sherman est visiblement ancienne.

On ne connaît qu’un élément relativement récent de cette histoire : l’église de Sherman a été achetée par l’arrière grand-père de l’actuel propriétaire, prénommé Akhmad[1]. Ce maigre élément est tout de même assez éclairant. Étant donné que 250 chaldéens habitaient à Sherman en 1913 et qu’on y trouvait une seule église, ce témoignage suggère que le village a été abandonné au début du XXe siècle, c’est à dire « à l’époque de l’arrière grand-père » et très probablement au moment des grandes persécutions antichrétiennes (Seyfo[2]) des provinces orientales de l’Empire ottoman entre 1915 et 1918. Le départ de la communauté chrétienne chaldéenne de Sherman fut sans doute contraint. Il est à peu près évident que l’église n’a pas été vendue mais prise d’autorité. Cette analyse est conforme à la littérature génocidaire et partout vérifiable dans les régions et villages où vécurent les Chrétiens jusqu’en 1915.

 

Partie intégrante d’une propriété privée, l’église de Sherman est édifiée sur un promontoire. Une terrasse est aménagée devant l’église avec un jardinet à droite de la porte d’entrée.

Il s’agit d’un édifice en moellons de pierres naturelles liés au mortier. La porte d’entrée est assez basse, en arc plein cintre. Sur la pierre de seuil, à l’intérieur, on distingue une croix bâton gravée dans un cadre rectangulaire.

L’église est formée de deux salles parallèles avec des voûtes en berceau plein cintre. En entrant dans l’église, la première salle contient au milieu une petite citerne contenant des débris. Ce pouvait être autrefois un puits ou un tonir, c’est à dire un ancien four à cuisson enterré pour le pain eucharistique. Cette salle devait aussi être employée comme narthex. Au fond, dans l’angle droit derrière un mur, se trouve le baptistère avec les restes de la cuve baptismale.

Deux portes, dont l’une est obstruée, permettent de passer de la première à la deuxième salle, c’est à dire la nef de l’église. Au fond, la porte royale est encore complètement dressée. Son ouverture en arc plein cintre permet d’accéder au sanctuaire, où l’on trouve la ruine du petit maître-autel adossé contre le mur. Le sanctuaire et le baptistère communiquent par une porte basse.

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[1] Mesopotamia a recueilli le témoignage d’Akhmad le 16 juillet 2017.

[2] Le génocide des Assyro-chaldéo-syriaques

L'ancienne église de Sherman transformée en remise
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Entrée sur la façade sud de l'ancienne église de Sherman.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Pierres de seuil à l'entrée de l'ancienne église de Sherman.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Intérieur de l'ancienne église de Sherman.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Nef et porte royale de l'ancienne église de Sherman.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Ruine du maître-autel de l'ancienne église de Sherman.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Ruine du baptistère de l'ancienne église de Sherman.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Cavité dans l'ancienne église de Sherman.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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