L’église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guorguis de Aqra

L’église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guorguis de Aqra se situe à 36°45’38.9″N 43°53’44.2″E et 808 mètres d’altitude.

Située juste au dessus de la cathédrale Mariam al Adra, l’église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guorguis est taillée dans la falaise qui domine Aqra. Du parvis de Mar Guorguis le panorama sur la ville et la plaine est remarquable. Pour la visiter, il faut, comme pour la cathédrale Mariam al Adra, solliciter le gardien du cimetière musulman qui en possède la clé.

L’église se compose de trois chambres parallèles sculptées dans le roc qui communiquent entre elles. Ces trois salles sont de longueur et de largeur à peu près équivalentes.

On ne sait strictement rien de la fondation cet espace troglodytique. Était-ce dès l’origine un lieu de culte chrétien ? Pourrait-il s’agir d’un lieu de culte antérieurement juif, assyrien ? Était-ce d’ailleurs un espace religieux ? N’était-ce pas aussi un espace communautaire, un réfectoire, un cellier ?


Photo : L’église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra. Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Localisation

L’église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guorguis de Aqra se situe à 36°45’38.9″N 43°53’44.2″E et 808 mètres d’altitude. Elle est taillée dans la falaise qui domine la cité de Aqra.

Aqra[1] à l’ouest du Grand Zab est adossée au massif montagneux de Chindar qui borde le Kurdistan d’Irak. La ville est également à 96 km à l’est de Dehok-Nouhadra et 80 km au nord d’Erbil.

Aqra est une très vieille cité, construite en terrasses à flanc de falaise et que surplombait son antique citadelle détruite en 1840. On y trouve de nombreux jardins et des chutes d’eau, ainsi que d’anciennes maisons traditionnelles en pierre et en terre.

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[1] Aqra est également orthographié Akra, Aqrah ou Akrê dans certaines sources.

La ville de Aqra vue depuis le parvis de l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Falaise dans laquelle est taillée l'église troglodytique de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une histoire chrétienne

La tradition attribue l’origine de l’Église de l’Orient aux apôtres et évangélisateurs Thomas, Addaï (certains voient en Addaï l’apôtre Thaddée autrement nommé Jude) et Mari. C’est notamment auprès des communautés juives locales qu’aurait été prêchée la nouvelle religion. La localité de Aqra est connue pour avoir été un important centre communautaire juif jusque dans les années 1940 où subsistent de nombreuses traces patrimoniales[1].

Née de cette tradition apostolique qui s’est répandue en Mésopotamie au cours des trois premiers siècles, c’est surtout à partir du IVe siècle et des nombreux martyrs persécutés par le roi de Perse Shapur II que l’Église assyrienne de l’Orient est véritablement entrée dans l’histoire régionale.

Au long des siècles, ces montagnes autrefois très difficiles d’accès, furent tout à la fois le lieu d’épanouissement et de refuge de l’Église de l’Orient. La région de Aqra, connue sous le nom de province de Margā, connut de très grands couvents de l’Église de l’Orient, comme le monastère Rabban Bar ‘Idtā, mais aussi le grand monastère Mar Ya’qōb de Bet ‘Ābe (Beth’ Abhé)[2], dont l’illustre moine et évêque du IXe siècle Thomas de Margā écrivit l’histoire et dont on sait qu’il fut édifié au plus tard à la fin du VIe siècle. On dispose d’ailleurs grâce au Livre des Supérieurs de Thomas de Margā d’une riche documentation historique sur l’Église de l’Orient entre les VIe et IXe siècles[3]. Au IXe siècle, il y avait plus de vingt monastères dans la province de Margā. Au début du XVIIe siècle, quatre monastères étaient mentionnés dans la région de Aqra où l’on trouvait une soixante de villages chrétiens de l’Église de l’Orient.

L’Église syriaque-orthodoxe s’enracina également dans ces montagnes du  nord de la Mésopotamie aux IVe et Ve siècles. Elle y développa un réseau monastique très important autour du couvent de Mar Matta sur le mont Maqlūb, qui abrita dit-on des milliers de moines et que l’on surnomma la « Montagne des Milliers ». Ces moines et prédicateurs syriaques-orthodoxes rayonnèrent ensuite dans la plaine de Ninive et notamment autour de  Bartella et de Mossoul, établissant partout des communautés chrétiennes dynamiques et  bâtissant de grandes églises.

Les missions catholiques et notamment dominicaines qui fleurirent en Mésopotamie à partir du XVIIIe siècle arrivèrent à convertir de nombreuses communautés chrétiennes locales au catholicisme, qui passèrent ainsi de l’Église de l’Orient à l’Église chaldéenne et de l’Église syriaque-orthodoxe à l’Église syriaque-catholique, principalement au début du XIXe siècle. Jusqu’en 1850, Aqra, Zakho et Amadia ne formaient qu’un seul diocèse chaldéen sous le nom d’Amadia. C’est à cette date qu’ils furent divisés en trois évêchés distincts et que fut donc créé le diocèse de Aqra[4].

Au début du XXe siècle, à la veille de la première guerre mondiale, Aqra était le chef-lieu d’un caza ottoman dans le  vilayet de Mossoul. La situation des Chrétiens de ces régions reculées de l’Empire empira au XIXe siècle, essentiellement du fait des razzias commises par les Kurdes et devint catastrophique lors du génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéo-Syriaques de l’Empire ottoman entre 1915-1918.

Le reste du XXe siècle ne fut guère plus heureux pour les Assyro-Chaldéens des montagnes du Kurdistan d’Irak. Entre 1961 et 1991, les différentes guerres qui opposèrent le régime irakien aux peshmergas kurdes eurent un impact très lourd sur les communautés chrétiennes et leur patrimoine dans ces régions souvent bombardées et notamment avec des armes chimiques, dont les populations ont été évacuées à plusieurs reprises et dont les accès ont longtemps été interdits.

Au XXIe siècle, l’offensive islamico-mafieuse de daesh dans la plaine de Ninive en août 2014, poussa des centaines de familles chrétiennes à venir chercher un refuge temporaire à Aqra.

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[1] Source : http://diarna.org

[2] Ce monastère était à côté de Aqra. À la fin du XIXe siècle, le géographe Vital Cuinet n’en vit que quelques ruines. Voir « La Turquie d’Asie. Géographie administrative. Statistique descriptive et raisonnée de chaque province de l’Asie-mineure », Tome deuxième. Ernest Leroux éditeur, Paris, 1891, p.844-845.

[3] In « The ecclesiastical organisation of the church of the east, 1318 – 1913 », David Wilmshurst, Éditions Peeeters (Louvain), 2000, p.155

[4] In « L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui ». Extrait de l’Annuaire Pontifical catholique de 1914, Abbé Joseph Tfinkdji, prêtre chaldéen à Mardin, p.70

Falaise et ville de Aqra
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Démographie chrétienne de Aqra

À la fin du XIXe siècle,  en 1890-1891, on comptait dans la cité de Aqra, 4700 habitants, dont 4150 Musulmans, 300 Israélites[1] et 250 Chrétiens (chaldéens et jacobites[2]). Les Chaldéens disposaient d’une petite école de 15 élèves : « Les écoles des montagnes sont tout ce qu’il y a de plus élémentaire en ce genre. La maison d’école est l’église. Les enfants sont assis le long des mur, sur des nattes et le maître est au milieu »[3]. Les Syriaques-Orthodoxes n’avaient ni école, ni prêtre.

Au-delà de la ville, dans le caza de Aqra, on comptait 81 villages pour 11000 habitants : 10150 Kurdes musulmans, 550 Chrétiens chaldéens et syriaques-catholiques et 300 Israélites.

En 1913, la situation démographique n’avait guère évolué. On trouvait encore à Aqra une communauté chrétienne de 250 personnes (chaldéenne pour l’essentielle), avec deux prêtres, une église et une école[4]. Cette statistique était la même en 1961[5] avant le début de la guerre entre les Kurdes et le régime de Bagdad. Les Chrétiens de Aqra quittèrent provisoirement la ville en 1963 sous le feu d’assaillants arabes. Ils furent rejoints dans les années 1980 par les familles chrétiennes assyriennes des hauts-plateaux de Nahla, dont les 7 villages furent détruits et brûlés par Saddam Hussein. Au début du XXIe siècle, on rencontre à Aqra une nouvelle communauté chrétienne formée par les déplacés de la plaine de Ninive arrivés en août 2014 en raison de l’offensive de daesh.  Sur les 500 à 600 familles déplacées, il n’en restait que 100 en juillet 2017. Ce chiffre a dû continuer à décroître.

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[1] Israélite était le qualificatif employé pour désigner les Juifs

[2] Les Jacobites sont les membres de l’Église Syriaque-Orthodoxe

[3] In « La Turquie d’Asie. Géographie administrative. Statistique descriptive et raisonnée de chaque province de l’Asie-mineure », Tome deuxième, Vital Cuinet. Ernest Leroux éditeur, Paris, 1891, p.843.

[4] In L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui, Abbé Joseph Tfinkdji, 1913, Extrait de l’Annuaire Pontifical Catholique de 1914, p. 51

[5] In « Assyrie chrétienne », Volume I, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1965, p.266

une des nombreuses grottes dans la falaise au dessus de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire de l’église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guorguis de Aqra.

Vers la fin du XIXe siècle, les Syriaques-Orthodoxes de Aqra se réunissaient et célébraient dans une « sorte de chapelle ou grotte creusée dans le roc, en forme de celles des chrétiens primitifs[1] », l’église troglodytique Mar Guorguis au dessus de la cathédrale Mariam al Adra. L’église Mar Guorguis est également nommée localement Aškafi Miryam.

On ne sait strictement rien de la fondation cet espace troglodytique. Était-ce dès l’origine un lieu de culte chrétien ? Pourrait-il s’agir d’un lieu de culte antérieurement juif, assyrien ? Était-ce d’ailleurs un espace religieux ? Pourrait-il s’agir d’un habitat creusé dès l’époque préhistorique ? N’était-ce pas aussi un espace de vie communautaire, un réfectoire, un cellier, voire tout cela à fois ?

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[1] In « La Turquie d’Asie. Géographie administrative. Statistique descriptive et raisonnée de chaque province de l’Asie-mineure », Tome deuxième, Vital Cuinet. Ernest Leroux éditeur, Paris, 1891, p.844.

Porte d'entrée de l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Description de l’église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guorguis de Aqra

Située juste au dessus de la cathédrale Mariam al Adra, l’église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guorguis est taillée dans la falaise qui domine Aqra. Du parvis de Mar Guorguis le panorama sur la ville et la plaine est remarquable.

Pour visiter l’église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guorguis de Aqra, il faut, comme pour la cathédrale Mariam al Adra, solliciter le gardien du cimetière musulman[1] qui en possède la clé.

Pour y pénétrer, il faut passer par l’unique porte d’accès en métal rouillé à double-battant.

L’église se compose de trois chambres parallèles sculptées dans le roc qui communiquent entre elles. Ces trois salles sont de longueur et de largeur à peu près équivalentes : environ 12 mètres de long sur 4 mètres de large.

Dans l’axe de la porte, la première salle est évidemment la plus éclairée. Elle est vide. Au fond de cette chambre, à gauche contre la paroi, est taillée une margelle.

Au sud-est de la grotte la deuxième salle forme le sanctuaire. Elle est équipée d’un petit autel sur lequel sont installés des bougies et des fleurs artificielles. Entre les deux salles, la paroi est une porte sainte à deux ouvertures sur laquelle on discerne des gravures croix. Quatre niches sont également sculptées, où sont posés des cierges.

La troisième salle occupe le nord-est de l’espace troglodytique. On y accède par deux passages. On ne relève ni sculpture ni inscription. Cette pièce est vide. Au fond à gauche, contre la paroi, est également taillée une margelle.

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[1] Le gardien se nommait Mohammed Rejab, au jour de la visite de Mesopotamia, le 16 juillet 2017

Entrée de l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Salle centrale de l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Niches dans la paroi (porte sainte) de l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Niches dans la paroi (porte sainte) de l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Niche avec bougies allumées dans la paroi (porte sainte) de l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Vue sur la salle droite avec son autel dans l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Salle droite et autel dans l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Petite croix gravée dans l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Croix syriaque gravée dans l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Gravures dans l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Paroi ouvrant sur la salle gauche dans l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Salle gauche dans l'église troglodytique syriaque-orthodoxe Mar Guoguis de Aqra.
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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