Le monastère de Rabban Hormizd
Le monastère de Rabban Hormizd d’Alqosh se situe à 36°44’56.5″N 43°06’53.97″E et 815 mètres d’altitude.
Fondé au VIIe siècle, c’est l’un des plus anciens monastères chrétiens d’Irak.
Adossé au massif montagneux qui borde l’antique Assyrie et longe les frontières internationales irakienne, turque et iranienne, le monastère de Rabban Hormizd incarne l’histoire tourmentée du christianisme en Mésopotamie.
Localisation
Le couvent de Rabban Hormizd est situé au nord de la province de Ninive à la lisière de la région autonome du Kurdistan d’Irak, à 36°44’56.5 »N 43°06’53.97 »E. Accroché à flanc de falaise à 815 mètres d’altitude, à 2 km au nord-est du centre ville d’Alqosh et 2 km au nord-ouest du village yézidi de Bozan, le monastère jouit d’une position géographique remarquable, à 10 km du Tigre sur sa rive orientale. Au sud, il regarde l’horizon désertique de Ninive. Mossoul n’est qu’à 40 km à vol d’oiseau. Au nord, il est adossé au massif montagneux qui borde l’antique Assyrie et longe aujourd’hui les frontières internationales irakienne, turque, et iranienne. Le couvent semble être une perle posée dans un écrin. La quiétude nécessaire à la vie monastique a souvent été perturbée au long des siècles par les rivalités géopolitiques.
Fragments d’histoire
Fondé au VIIe siècle, le couvent de Rabban Hormizd pourrait avoir été consacré au temps du patriarche Ishoyahb II (628-644/47), autrement dit « dans les années de la conquête musulmane » écrit Joseph Habbi dans la monographie qu’il lui consacre. Une date que discute le dominicain et orientaliste Jean-Maurice Fiey dans son œuvre Assyrie Chrétienne (vol.II, page 534, Imprimerie Catholique de Beyrouth), parce que le catholicos Tomarsa qui vint consacrer le monastère vécut à la fin du IVe siècle. La fondation du couvent pourrait donc être antérieure à celle communément admise.
Qui était Rabban Hormizd ?
Les sources invoquent l’origine persane de Rabban Hormizd. Son hagiographie rapporte qu’au cours de son pèlerinage vers Jérusalem, Hormizd le persan passa par Mossoul, où il rencontra trois moines « qui le détournèrent de sa route et le firent partir avec eux vers l’est, en Marga, au couvent de Bar ‘Éta » rapporte Jean-Maurice Fiey. Il y devint moine et y vécut 39 ans, dont 32 en cellule. Après quoi, le récit de ses pérégrinations le conduit au couvent de Réša (Mōr Abrōhōm) sur le Jabal Maqlub, avec un petit groupe de compagnons, où ils restèrent 6 ou 7 ans. Au terme de cette période, le groupe se divisa. Hormizd et son disciple Abraham gagnèrent un autre sommet, B.’Edrai. Lorsque Abraham quitta son maître pour aller fonder son propre couvent à Bātnāya, Hormizd demeura seul dans une grotte. Dans son ermitage, Rabban Hormizd devait sans doute recevoir visiteurs et pèlerins en quête de guérison. Thaumaturge, son intercession est encore invoquée de nos jours.
Décédé à 90 ans, « 25 ans après la fondation de son couvent, qui avait alors une centaine de moines », Rabban Hormizd, moine et saint nestorien, fut commémoré le troisième lundi suivant Pâques et le 15 Août, tandis qu’une certaine confusion entre l’Église de Rome et l’Église de l’Orient exista avec son homonyme, martyr perso-chaldéen du Ve siècle. L’Église nestorienne, après avoir réattribué la commémoraison du troisième lundi de Pâques à un autre martyr, inscrivit Rabban Hormizd au 1er septembre de son synaxaire, reconnaissant en lui la guérison d’un aveugle au IXe siècle, soit deux siècles après sa mort.
Enterré dans le martyrion du couvent primitif déplacé en raison des tremblements de terre, Rabban Hormizd fut ensuite transporté dans le tombeau de l’actuel couvent.
Des ermitages dans toute la montagne
La géographie du couvent témoigne d’une intense vie d’ermite. La montagne à laquelle est adossée le monastère est couverte de cellules taillées dans le roc. Il y en aurait encore une quarantaine. Certaines sont visiblement très difficiles d’accès, d’autres ont été intégrées progressivement au bâtiment monastique. Certaines sont de très petite taille, d’autres, plus grandes. Ce réseau de cellules troglodytiques révèle en ce lieu, comme dans nombre de couvents orientaux, l’importance de l’ascétisme, mais aussi et sans doute les moyens mis en œuvre pour se protéger.
Des invasions permanentes
Dans son histoire pluriséculaire, le couvent de Rabban Hormizd n’a pas échappé aux armées de conquérants, tels les Kurdes du Hakkari (sud-est de l’actuelle Turquie) qui, au Xe siècle dévastèrent la région, ses villages et ses monastères. C’est ainsi que furent dispersés les moines de Rabban Hormizd.
Aux périodes de persécutions se sont succédées des périodes de renouveau. Ainsi, au début du XIIIe siècle, vécut au monastère de Rabban Hormizd « le premier copiste connu du couvent, le prêtre moine Daniel, à qui l’on doit un évangéliaire de 1208 et un Nouveau Testament de 1222, dont on ne peut savoir s’il était de sa main, [mais] écrit à R.Hormizd[1] ».
Les XIVe et XVe siècles virent déferler nombre d’envahisseurs, parmi lesquels les Mongols et Tamerlan, occasionnant pillages et dispersions au couvent.
Le monastère de Rabban Hormizd doit aussi et surtout son importance historique au conflit politico-théologique qui opposa au XVIe, l’Église de Rome et l’Église de l’Orient.
Le 9 avril 1553, le pape Jules III désigna Yohannan Sulāqa, supérieur de R.Hormizd, premier patriarche des Chaldéens. Envoyé à Rome par des évêques nestoriens en conflit avec le patriarcat, Yohannan Sulāqa en revint porteur du pallium, de la bulle pontificale. De retour en Orient, le patriarche chaldéen voyagea de Constantinople à Diyarbakır, afin d’y rencontrer le sultan ottoman Soliman Ier, dit le Magnifique, pour obtenir la reconnaissance et la légitimité qu’il obtient. Il faut à cet égard souligner le contexte géopolitique de l’époque. L’Empire ottoman était en effet en guerre contre la Perse, ce qui n’était pas sans conséquence sur les églises locales, leurs controverses et leurs choix politiques.
Après avoir jeté les bases de la structuration de l’Église chaldéenne, Yohannan Sulāqa fut emprisonné par le pacha kurde d’Amadia (extrême nord de l’Irak) et finalement assassiné par ses sbires, sans doute à l’instigation du clan patriarcal nestorien de Bar Mama.
Devenu résidence patriarcale, le couvent de R. Hormizd ne cessa jamais de résister aux attaques et persécutions kurdes, mais aussi aux séismes, qui obligeaient à des reconstructions -réhabilitations – permanentes.
La plus importante attaque eut lieu en avril 1842. Elle se solda « par le pillage du couvent par Ismā’il Pacha, prince de ‘Amadia. Les livres furent déchirés et brûlés, les moines enfermés dans une cellule et torturés, puis le supérieur et douze des religieux furent traînés derrière les troupes. Après plusieurs mois de tortures, le supérieur et un autre moine, le prêtre Moïse, moururent dans les prisons de ‘Amadia. Quand Badger (George Percy Badger, missionnaire anglican et orientaliste) y vint, l’année suivante, les moines étaient au nombre de 39[2]. »
En 1850, les mêmes scènes se reproduisirent avec en plus la perte de plus de mille manuscrits précieux, pourtant « mis en sûreté dans un petit bâtiment au bas de la vallée, [mais] emportés par les torrents, en février suivant (1851)[3]. »
Au fil de l’histoire, le couvent de Rabban Hormizd devint le plus important siège patriarcal de l’Église de l’Orient avant de devenir celui de l’Église Chaldéenne. Les tombes qu’il renferme incarnent la complexité de cette situation religieuse et géopolitique.
[1] In Assyrie Chrétienne, Jean-Maurice Fiey
[2] In Assyrie Chrétienne, vol.II, page 547, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie Catholique de Beyrouth.
[3] Id.
Un monastère, plusieurs églises
Outre le caveau de son saint fondateur, le monastère révèle nombre de dépouilles de moines, supérieurs et patriarches nestoriens, mais aussi celles de moines, supérieurs et patriarches chaldéens.
On les découvre dans les différentes églises du couvent et notamment dans l’église de la Trinité, la plus vieille, l’église nouvelle à deux niveaux dédiés aux archanges Michel et Gabriel ainsi qu’aux évangélistes, et enfin l’église inférieure.
D’un monastère à l’autre
Les outrages permanents auxquels durent faire face des générations de moines en ce lieu (dévastations criminelles, tremblements de terre,…) convainquirent le patriarche chaldéen Joseph VI Audo (1847-1878), d’ériger un nouveau monastère au pied de la montagne, aux portes d’Alqosh, à portée de vue l’un de l’autre. Notre-Dame-des Moissons fut achevé en 1858. C’est dans ce nouveau monastère qu’est d’ailleurs inhumé le patriarche Audo. Plus accessible, plus moderne, plus adapté aux nécessités des pèlerins et des visiteurs, Notre-Dame-des Moissons abrita l’une des plus importantes bibliothèques chaldéennes, constituée à partir de ce qui fut sauvé à R.Hormizd et développée au fur et à mesure.
Actualité
Récemment, la pression militaire exercée par Daesh et le risque d’invasion, alors que les assaillants n’étaient qu’à quelques kilomètres d’Alqosh, obligèrent les autorités chaldéennes à prendre les protections nécessaires pour les personnes et le patrimoine.
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