Les Mausolées Yézidis de Sinjar

Les Monts Sinjar sont un massif montagneux de moyenne altitude dont le point culminant est à 1462 mètres, au sud duquel se situe la ville de Sinjar, à  36°18’51.18″N   41°51’44.79″E  et 508 mètres d’altitude dans la province de Ninive.

Le massif de Sinjar est un important territoire de peuplement yézidi. Selon la croyance populaire, Dieu a créé le mont de Sinjar avec un mausolée sur chacun de ses sommets afin que le mont puisse maintenir son équilibre. L’emplacement des mausolées yézidis dans ces lieux reculés s’explique historiquement non seulement par le besoin de sécurité mais aussi par le style de vie ascétique des premiers « saints » yézidis.

Certains des mausolées yézidis de Sinjar ont été détruits par daesh en 2014, 2015.


Mausolée yézidi de Cheikh Charaf Al-Dîn dans le massif de Sinjar © Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d’Oxford et de Montpellier III

À propos de cette notice

Le texte de cette notice a été établi par le Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül, historienne de l’art, spécialiste de patrimoine et culture yézidis. Attachée à l’Université de Paul Valéry Montpellier III et l’IFEA Istanbul comme chercheuse associée, le Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül est l’auteure d’une thèse de doctorat : « Patrimoine des Yezidis : Architecture et sculptures funéraires en Irak, en Turquie et en Arménie »présentée en 2006 à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne(département de l’art islamique et de l’archéologie).  Cette thèse dresse un inventaire documenté de 88 monuments (sanctuaires, mausolées, baptistaires, oratoires, caravansérails, ponts et grottes) et de 60 sculptures funéraires (en forme de cheval, de bélier, de brebis et de lion) en Irak du nord, en Turquie et en Arménie. Thèse publiée par I.B.Tauris (Londres, New York), 2010. Ce texte est complété par les observations et interviews de l’équipe de Mesopotamia [Pascal Maguesyan, Shahad al Khouri, Sibylle Delaître (KTO)]  avec le concours de Mero Khudeada.

Localisation

Les Monts Sinjar sont un massif montagneux de moyenne altitude dont le point culminant est à 1462 mètres, au sud duquel se situe la ville de Sinjar, à  36°18’51.18″N 41°51’44.79″E et 508 mètres d’altitude dans la province de Ninive. Le massif de Sinjar est un important territoire de peuplement yézidi, situé à la frontière irako-syrienne au milieu du plateau de Jazira. C’est une région montagneuse où les plaines sédentaires sont délimitées au nord et à l’est où se trouvent la majorité des villages yézidis.

 

 

Carte du massif de Sinjar (d'après Fuccaro 1999, xiv)
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III

À propos des Yézidis d’Irak

Majoritairement implantés dans la région autonome du Kurdistan d’Irak et dans la plaine de Ninive, leur berceau géographique, les Yézidis sont également présents en Turquie, en Syrie et dans le Caucase, particulièrement en Arménie et en Géorgie. Généralement considérés comme des Kurdes non islamisés, ce qui est sans doute simpliste voire inexact si l’on se fie à leurs origines mythologiques, souvent diabolisés en raison de leur culte, les Yézidis constituent une communauté dont il est bien difficile d’estimer les sources historiques et le nombre.

Famille yézidie à Lalesh
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Enracinement territorial du yézidisme

Le Yézidisme est né dans un territoire montagneux où ses habitants étaient protégés par ses hauteurs et ses cavernes. Considéré comme sacré par les Yézidis, ce territoire est globalement divisible en deux régions distinctes, à l’est et à l’ouest du Tigre le grand fleuve mésopotamien. À l’ouest Sinjar, sa ville, ses villages et son massif. À l’est le centre spirituel de Lalesh, auquel il convient d’ajouter les importants secteurs de Cheikhan, Bozan, Baashiqa et Bahzani. La très grande majorité de la population yézidie (clergé inclus) est originaire de ces régions, bien qu’il soit aussi possible de trouver des communautés yézidies éparpillées au-delà de ce territoire.

Des siècles durant, les Yézidis ont sauvegardé leurs coutumes et traditions dans ce pays, ce terroir. Cette survivance a été cruellement remise en cause à l’ouest du Tigre dans la région de Sinjar, par l’offensive dévastatrice de daesh en août 2014. Le niveau des destructions et la gravité des crimes génocidaires commis ont fragilisé à l’extrême les communautés yézidies des monts Sinjar qui formaient autrefois la très grande majorité de la population yézidie irakienne.

Yézidi de Haute Djezireh
© Fonds Mossoul de la Mission dominicaine de Mésopotamie, Kurdistan et Arménie. Inventaire Mossoul IV- Série Z 39-57. Archives de la Bibliothèque du Saulchoir (Province domincaine de France)
Yézidi de Haute Djezireh
© Fonds Mossoul de la Mission dominicaine de Mésopotamie, Kurdistan et Arménie. Inventaire Mossoul IV- Série Z 39-57. Archives de la Bibliothèque du Saulchoir (Province domincaine de France)

Sources de la présence yézidie à Sinjar

Les caractéristiques montagneuses du Sinjar offrirent un abri idéal aux Yézidis qui fuirent Cheikhan lorsque l’atabeg de Mossoul, Badr al-Din Lu’lu’, commença au XIIIe siècle à les massacrer. Son attitude hostile envers les Yézidis est très bien documentée. Craignant une rébellion kurde contre lui, Badr al-Din Lu’lu’ assassina Cheikh Hasan en 1254 et élimina ses partisans.

Le sanctuaire de Cheikh Sharaf al-Din Muhammad (mort en 1256) est devenu un haut lieu de pèlerinage à Sinjar. Depuis cette époque les fidèles y viennent en très grand nombre, contribuant ainsi depuis des siècles à diffuser largement le yézidisme dans cette région.

Les Ottomans également menèrent des expéditions contre les Yézidis de Cheikhan, si bien que Sinjar devint à partir du XVIIe siècle le principal bastion de résistance et de spiritualité yézidies, y refusant pendant des siècles la conscription et les impôts.

Presque tous les édifices funéraires yézidis de la province de Sinjar sont situés dans des zones plutôt isolées et des campagnes reculées, coupées du monde moderne, généralement au sommet de montagnes. Selon la croyance populaire, Dieu a créé le mont de Sinjar avec un mausolée sur chacun de ses sommets afin que le mont puisse maintenir son équilibre. L’emplacement des édifices yézidis dans ces endroits reculés peut ainsi s’expliquer historiquement non seulement par le besoin de sécurité, mais aussi par le style de vie ascétique des premiers saints yézidis.

Carte des régions, villes et villages yézidis dans le nord de l'Irak et le Kurdistan d'Irak. Le massif de Sinjar est en bleu
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III

Évolution de la présence yézidie à Sinjar

Hélas, la plupart des villages yézidis de Sinjar ont été détruits par le régime baathiste dans les années 1970. Leurs habitants furent contraints de s’installer dans des villages collectifs (mujamma’at) de la plaine de Beled Sinjar, laissant dans les villages de montagne les mausolées de leurs saints, dont ils pouvaient néanmoins prendre soin pendant les temps de festivals.

Minorisés à l’extrême en Irak, l’existence des yézidis était presque niée. Avant la chute de Saddam Hussein en 2003, Bagdad n’en comptait officiellement que quelques milliers alors qu’ils étaient plus vraisemblablement quelques centaines de milliers !

Les conditions d’une tentative de génocide étaient déjà réunies avant même que les djihadistes de daesh ne les massacrent et ne les kidnappent en août 2014 dans les montagnes du Sinjar. Malgré la reprise de Sinjar en novembre 2015, une partie importante des 500 à 600 000 Yézidis irakiens reste encore déplacée. Les persécutions qu’ils ont subies leur font redouter l’avenir en dépit des garanties constitutionnelles qui leurs ont été accordées en 2005.

Portrait d'un Yézidi déplacé de Sinjar
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Territoire, histoire et patrimoine

C’est sur ce territoire, de part et d’autre du Tigre, que les Yézidis ont développé les spécificités architecturales de leurs édifices religieux.

Ces édifices sont pour la plupart dédiés aux premiers disciples du réformateur du yézidisme au XIIe siècle, Cheikh ‘Adî, les membres de la famille de Chamsani, et à des familles comme Hasan Maman, Memê Rech et Cerwan, ainsi que les premiers chefs religieux de la communauté, descendants de Cheikh ‘Adî (les membres de la famille Adani) et quelques mystiques soufis importants qui ont influencé l’enseignement de Cheikh ‘Adî, à savoir, Abd al-Qadîr al-Jilani, al-Hallaj et Qedib al-Ban (Qadî Bilban).

Il ne faudrait pourtant pas en conclure que le yézidisme est une religion d’origine médiévale. La rareté des sources théologiques et historiques disponibles est en effet compensée par une tradition et une mythologie anciennes, omniprésentes et évolutives. Ainsi, les yézidis voient en Noé l’un de leurs plus anciens et de leurs plus illustres patriarches. Ils soutiennent même qu’il vécut en Mésopotamie irakienne, à Aïn Sifni (Cheikhan), où il construisit son arche. Des historiens yézidis soutiennent que « la religion yézidie est très ancienne. Elle remonte à 3500 ans avant Jésus-Christ[1] ».

Les Yézidis disposent de lieux de culte et de prières assez hétéroclites, tels que des cimetières, des mausolées (mazar) dont certains plus importants que d’autres (khas / mêr), des oratoires de feu (nîshan), la maison d’un Cheikh ou d’un Pîr, un arbre, un buisson, une forêt d’oliviers, un pont, une arche, une grotte, une pierre sacrée (kevir), une source (…). Ces monuments, ces structures et ces sites, dédiés aux « saints » yézidis, constituent une partie importante de l’environnement culturel des zones yézidies et sont des signes matériels tangibles du système général de la spiritualité yézidie.

Il existe cependant un lieu fondamental vers lequel se tournent tous les Yézidis, y compris ceux de la diaspora, c’est la vallée de Lalesh au Kurdistan irakien. C’est l’endroit le plus sacré du yézidisme. C’est là que se trouve le sanctuaire de Cheikh ‘Adî, le grand réformateur du yézidisme au XIIe siècle. Cette vallée, ses mausolées et son environnement sont le centre de gravité de la vie mystique yézidie.

Les édifices yézidis ont été construits à différentes époques. Le manque d’inscriptions et de sources historiques rend difficile leur datation avec précision. La mauvaise qualité de certaines restaurations récentes ajoute à la complexité de l’analyse. D’autre part, il ne semble pas exister de styles architecturaux qui distingueraient différentes périodes de l’histoire yézidie et qui pourraient aider à dater ces édifices. Par ailleurs, le même style, dérivé d’un modèle particulier, a été utilisé à plusieurs reprises au cours des siècles et est toujours en vogue.

[1] Chamo Kassem, inspecteur des écoles yézidies, spécialiste de la religion et de l’histoire yézidie, responsable culture et médias au Centre Culturel et Social de Lalesh à Duhok.

Croquis du sanctuaire de Lalesh, vu du sud
© in "The Nestorians and their rituals", Rev. George Percy Badger, London, Joseph Masters, 1852
Croquis du mur d'enceinte du sanctuaire de Lalesh
© in "The Nestorians and their rituals", Rev. George Percy Badger, London, Joseph Masters, 1852
Croquis de la porte d'entrée du sanctuaire de Lalesh
© in "The Nestorians and their rituals", Rev. George Percy Badger, London, Joseph Masters, 1852

Fragments de spiritualité et de théologie yézidies

Le yézidisme est une religion de tradition et de transmission orale, simple et complexe à la fois. Simple parce qu’il n’est pas réglé par une liturgie et des dogmes contraignants. Complexe parce qu’il n’existe pas de grand livre théologique fondamental, comme il existe la Torah, les Évangiles ou le Coran. Les Yézidis possèdent deux livres sacrés : le livre de la révélation « Kitêb-i Cilvê », et le livre noir « Mishefa Reş ».

Le yézidisme est une religion strictement communautaire (nationale). On naît yézidi, on ne le devient pas. Il n’y a donc ni évangélisation, ni inculturation, ni prosélytisme. Ceci étant, le yézidisme n’est pas sectaire. Bien au contraire, l’altruisme est une vertu cardinale, un fondement spirituel et théologique. Tout chercheur qui voudrait ainsi étudier le yézidisme serait accueilli avec bienveillance par cette communauté et son clergé[1].

Le yézidisme est monothéiste. Dieu est unique. Il est le créateur du cosmos et de la vie.  Le yézidisme nourrit en cela la même croyance que les 3 religions du Livre : le judaïsme, le christianisme, l’islam.  Et même le zoroastrisme[2].

Dieu est lumière. Il est tel le soleil qui rayonne sur la Terre. C’est pourquoi les yézidis prient systématiquement face au soleil. En cela, le yézidisme est comparable au zoroastrisme mésopotamien et persan.

Dieu est bon, infiniment bon. C’est pourquoi les yézidis cultivent l’altruisme et prient systématiquement d’abord pour le monde et ensuite pour eux-mêmes.

Dieu est en tout et partout. Le yézidisme fait corps et esprit avec l’ensemble de la Création : cosmique, humaine, animale, végétale, et minérale. C’est pourquoi les yézidis sacralisent les oliviers dont l’huile est nécessaire pour le feu sacré. De même, l’ange paon (tawus melek) est le plus important des 7 anges (melek) qui représentent Dieu sur terre.

Le yézidisme croit au jugement des âmes et au jugement dernier. Il se distingue toutefois du christianisme par sa croyance en la réincarnation. Les défunts sont mis en terre. Les âmes sont jugées, selon le bien accompli et le mal commis. Les âmes pures peuvent devenir des êtres de lumière. Les âmes impures peuvent se réincarner sous des formes humaines ou animales  dépréciées ou belliqueuses.

 

[1] « Jean-Paul Roux, décédé en juin 2009, ancien chercheur au CNRS et titulaire de la section d’art islamique à l’École du Louvre, considérait le yézidisme comme ‘’une religion à part, syncrétisme évident de traditions populaires et de réminiscences de dogmes des grandes religions’’ ». La croix, Claire Lesegretain, 26 avril 2010.

[2] Né en perse, fondé par Zarathoustra (Zoroastre), au Ier millénaire avant J.C., le zoroastrisme est monothéiste et reconnait  en Ahura Mazdâ le Dieu unique. Le zoroastrisme constitue en cela une réforme fondamentale par rapport au mazdéisme dont il s’inspire. Le mazdéisme, polythéiste, considère Ahura Mazdâ, comme le dieu principal mais pas le Dieu unique.  Cette religion persane se répandit jusqu’en Inde par l’intermédiaire du védisme.

Le pont des âmes au Centre spirituel yézidi de Lalesh
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Pratiques cultuelles yézidies

Les pratiques cultuelles yézidies ne semblent pas réglées par une « liturgie » stricte, mais par un ensemble de rites traditionnels et de pratiques votives transmises oralement de génération en génération

Les Yézidis prient en général individuellement, et se réunissent aussi en communautés devant leurs temples et sanctuaires pour écouter les qawals, tout à la fois musiciens, chantres et gardiens du culte yézidi, dont le savoir et les pratiques se transmettent de père en fils.

La prière quotidienne, toujours tournée vers le soleil, lumière de Dieu (Khoda), n’est pas une obligation et n’est pas non plus un signe pour être un « bon Yézidi ». Cependant, les personnes pieuses et âgées prient régulièrement, jusqu’à 5 fois par jour.

Embrasser les lieux saints et les mains des figures pieuses, offrir des cadeaux aux religieux, sacrifier des animaux, nouer et dénouer des étoffes sur des arbres à vœux, sont des signes de respect et de dévotion.

De tous les jours de la semaine, le mercredi est le plus important. Il est comme le dimanche pour les Chrétiens, le samedi pour les juifs ou le vendredi pour les musulmans. C’est le mercredi que sont organisées les grandes célébrations hebdomadaires au cours desquels les religieux yézidis allument le feu sacré dans les mausolées.

4 grandes fêtes annuelles rythment le calendrier religieux yézidi. La première est celle du Nouvel An (ser sal) le premier mercredi du mois d’avril. Cette fête symbolise la création de la vie à partir du chaos initial et la venue de Tawus melek. À cette occasion, les œufs, symbole de la terre originelle et sans vie, sont bouillis et teintés. Certains de ces œufs sont écrasés au dessus des portes des maisons et des mausolées en y joignant des petites fleurs rouges.

Une autre grande fête annuelle est celle du Printemps (towaf),  dont la date est mobile entre le 12 et le 20 avril. Enfin, le pèlerinage sur la tombe de Cheikh Adî, au sanctuaire de Lalesh (djamaiya) a lieu le 6 octobre.

 

Arbre à vœux au Centre spirituel yézidi de Lalesh
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Le mausolée à dôme conique : une architecture yézidie typique

Le mausolée à dôme conique et à rayons est un monument emblématique de l’art sacré yézidi. D’une grande sobriété architecturale et ornementale, ce type d’édifice est fondé sur une structure cubique qui contient la sépulture ou le cénotaphe, couverte par une dalle que porte un tambour au dessus duquel se dresse un dôme conique à multiples arêtes. Cette voûte symbolise les rayons du soleil qui illuminent la terre et l’humanité.

La pointe de ce dôme est systématiquement rehaussée d’une flèche de bronze, formée d’une ou plusieurs boules, surmontée d’un anneau, d’un croissant de lune, d’un astre voire d’une main, où sont nouées des étoffes de couleurs. La flèche représenterait le monde cosmique, les planètes, le soleil et les étoiles créés par Dieu.  Les étoffes de couleur figureraient celles de l’arc en ciel[1].

L’intérieur d’un mausolée yézidi est souvent constitué d’une chambre séparée où repose un sarcophage recouvert de soieries. On peut aussi y trouver une ou plusieurs niches percées dans le mur pour y brûler l’encens et allumer le feu sacré. On y trouve également souvent des étoffes nouées par les pèlerins pour formuler leurs vœux.

L’espace sacré de tout mausolée yézidi inclut la dalle qui le précède ou qui l’entoure. C’est pourquoi tout visiteur et tout pèlerin doit y être déchaussé.

 

[1] Cette interprétation peut varier d’une communauté à l’autre.

Plan avec dôme conique du mausolée yézidi de Cheikh Chams dans le massif de Sinjar
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III

Les mausolées yézidis de Sinjar

Certains des mausolées yézidis de Sinjar ont été détruits par daesh. Il est hautement probable qu’ils seront reconstruits lorsque les Yézidis reviendront dans leurs villages, comme ils l’ont fait dans la plaine de Ninive à Baashiqa et Bahzani (voir notices).

Le mausolée de Cheikh Amâdîn  (‘Imâd al-Dîn). Le mausolée se trouve au sommet de la montagne de Galê Bîrîn, au sud de Beled Sinjar. Un cimetière entoure le mausolée, appartenant aux habitants du village de Mehirkan. Les tribus d’Haskan et Mehirka se rendent régulièrement au mausolée. Un petit édifice de plan carré se trouve à l’est du mausolée et sert pour conserver le pain sacré pour les pèlerins. D’après l’inscription, le mausolée est daté de 1400. Cheikh Amâdîn est le fils de Xatûna Feqra qui vécut au XIIIe siècle. Il est également le petit fils de Cheikh Fexr al-Dîn et le neveu de Cheikh Mand. D’après la croyance yézidie, ce mausolée  guérit les douleurs d’estomac.

Le mausolée est de forme rectangulaire orienté nord-sud. Il est composé de deux parties. On accède à l’antichambre par une porte surbaissée dans le mur nord. L’antichambre de 4,20 x 1,90 m est orientée est-ouest. Les murs est et ouest comportent une niche. Le plafond est plat. De là, on arrive à la partie principale surplombée d’un dôme. Celui-ci est conique à 32 tranches à l’extérieur. La pièce est rectangulaire et ses dimensions sont de 4,30 x 3,60 m. Le mur est comporte une porte auxiliaire qui communique avec l’extérieur. Une niche est située au milieu du mur sud et un pilier « stûna mîrza » se trouve au milieu de l’espace, près des murs sud et ouest. Un couple de serpents, face à face, est représenté sur les frises de deux portes. Les visiteurs enlacent la colonne de stûna mîrza  avec deux bras en faisant des vœux. Si les deux mains se touchent le vœu est réalisé.

Le mausolée de Cheikh Hasan. Il se trouve dans le village de Gabbara à l’ouest de Sinjar. Les tribus des Allaca, Chelka Gorgorka et Hababa s’y rendent régulièrement. Une inscription illisible sur la paroi sud de l’antichambre donne le nom de Cheikh Hasan Azat … Adî et l’an 1325. Son nom authentique est al-Hasan b. ‘Adî b. Abî ‘l-Barakât b. Chakhr b. Musâfir Chams al-Dîn Abû Muhammad (1196-1249 ou 1197-1254). Il est le cheikh le plus célèbre après Cheikh ‘Adî parmi les chefs spirituels des Yézidis. Il fut assassiné par Badr al-Dîn Lu’lu’ de peur d’une révolte kurde contre lui en 1254. Cheikh Hasan est identifié également à l’un des sept anges yézidis, Derda’îl.

L’édifice est composé de sa partie principale et de l’antichambre. Une porte rectangulaire au milieu du mur ouest de l’antichambre donne accès à l’intérieur. L’antichambre présente un plan carré de 3,10 x 3,10 m.  Son plafond est plat. Les murs nord et est comportent une grande fenêtre. Une deuxième porte rectangulaire mène vers la partie principale en passant par le mur sud.

La partie principale présente également un plan carré. Ses dimensions sont de 3,20 x 3,20 m. Les murs est et ouest comportent deux niches rectangulaires surélevées. Les reliques sont gardées dans un emplacement derrière le mur sud. Il n’y a aucune ouverture éclairant l’intérieur. La pièce est surplombée d’un dôme. Il s’agit d’un dôme conique à 24 tranches à l’extérieur.

Le mausolée de Cheikh Charaf al-Dîn. Le mausolée est situé dans le village de Rachîdiyyah à Sinjar. Il se trouve au milieu d’une cour. On y arrive par un portail surplombé d’un dôme conique aux multiples arêtes. Un cimetière entoure le mausolée et la cour. Deux oratoires se trouvent au sud du mausolée. Une cérémonie importante s’y déroule le 15 août Organisée par la tribu de Xaltî, les tribus de Bekira, Geychka et Xaltî y participent.

L’inscription fondatrice du mausolée de Charaf al-Dîn évoque l’an 1274 ap. J.C. Il a été restauré par les deux frères al Cheikh Ilyas al-Cheikh Behrî et al Chekh Ismaîl al-Cheikh Behrî, gardiens du mausolée, avec la coopération des tribus de Bekran et de Mehîrkan et le martyr Derwich Murad.

Cheikh Charaf al-Dîn est éponyme de la subdivision des cheikhs d’Adanî. Il est le fils de Cheikh Hasan. D’après la tradition, c’est grâce à lui que la tribu de Ciwanî de Sinjar se convertit au yézidisme. Sa position à Sinjar est comparable à celle de Cheikh ‘Adî.

Le mausolée présente un plan rectangulaire de l’extérieur, orienté est-ouest. Il est composé de deux parties : la partie principale et l’antichambre. L’antichambre se trouve au nord et présente un plan rectangulaire. Ses dimensions sont de 7,10 x 4,10 m. Une porte rectangulaire dans le mur nord donne accès à l’intérieur. Deux grandes fenêtres sont situées dans le mur nord, des deux côtés de la porte. Les murs est et ouest comportent également une grande fenêtre. Le plafond de l’antichambre est plat. Plusieurs photographies encadrées d’hommes d’une même famille sont suspendues sur les parois à l’intérieur.

On accède à la partie principale par une porte rectangulaire située au milieu du mur sud. Elle est de forme carrée et mesure 5,40 x 5,40 m. Le mur est comporte une deuxième porte auxiliaire dans la partie sud. La pièce est surplombée d’un dôme conique à 40 tranches arêtes à l’extérieur et se dresse sur un tambour à trois niveaux. Trois fenêtres dans le mur est et trois autres dans le mur ouest éclairent l’intérieur. Une colonne de 1 mètre de hauteur, appelée stûna mîrza se trouve approximativement au milieu de la pièce. Des tissus multicolores son pendus sur les murs.

Le mausolée d’Hajalî (Pîr Hecî Alî). Le mausolée se trouve dans village de Hassina, détruit entièrement, au pied d’une montagne à Sinjar. Ce mausolée est fréquenté par la tribu de Mala Xaltî. Le professeur Philip G. Kreyenbroek considère que Hajalî (Pîr Hecî Alî) était un disciple du grand réformateur du yézidisme Cheikh ‘Adî. Lorsque Cheikh ‘Adî vint de Ba’albek, sa ville natale, il demeura dans la maison de Pîr Hecî Alî. Son mausolée dût être construit au cours du XIIe siècle.

L’édifice est à deux étages. La partie principale se trouve au premier étage. Une grande terrasse entoure le mausolée au nord et à l’ouest. On atteint la terrasse par l’escalier à l’est. Un portail légèrement enfoncé mène à l’intérieur au milieu du mur nord. Il s’agit de deux arcs en plein-cintre se succédant vers la porte. La porte est rectangulaire.

La pièce principale présente un plan carré mesurant 2,70 x 2,70 m. et dispose de murs épais d’approximativement 1,5 m. de côté. Elle est coiffée d’un dôme. À l’extérieur, il est de forme conique à multiples arêtes et compte 24 tranches. L’étage bas est composé de deux pièces. L’entrée se fait par une petite porte au nord. On arrive d’abord à une petite antichambre de plan rectangulaire. Ensuite, on plonge dans une pièce carrée. Il n’y a aucune ouverture dans l’ensemble de l’édifice. L’étage bas est réservé au « traitement » des malades mentaux. La croyance populaire veut que lorsque ces malades passent une nuit dans ce lieu, ils en ressortent guéris le lendemain.

Le mausolée de Memê Rech. L’édifice se dresse sur une colline dans le village de Tappa, à l’est de Sinjar. Il est visité par les tribus de Delka et Hababa. Memê Resh (Mem Rechan / Mehmed Rechan) était le chef des quarante disciples de Cheikh ‘Adî. Il vécut donc au XIIe siècle. Les familles pîrs de Pîr Afat, Pîr Buwal et Pîr Derbês sont ses descendants. Il est considéré comme le seigneur de la pluie et le protecteur des récoltes. Une fête est célébrée en son nom au printemps. Son mausolée a sans doute été construit au XIIe siècle.

Le mausolée présente un plan carré irrégulier. Ses dimensions sont de 2,10 x 2,20 m. On y accède par une porte rectangulaire située dans le mur nord. Il est couronné d’un dôme. Le mur sud comporte deux niches rectangulaires où sont brûlées les mèches. Une colonne de 1 mètre de hauteur, appelée stûna mîrza se trouve au milieu de la pièce. Le dôme est conique à 28 tranches. Il se dresse sur un tambour à deux degrés: octogonal et circulaire.

Mausolée yézidi de Cheikh Amadîn dans le massif de Sinjar
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III
Plan du mausolée de Cheikh Amadîn dans le massif de Sinjar
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III
Intérieur du mausolée yézidi de Cheikh Amadîn dans le massif de Sinjar
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III
Mausolée yézidi de Cheikh Hasan dans le massif de Sinjar
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III
Mausolée yézidi de Cheikh Charaf al-Dîn dans le massif de Sinjar
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III
Mausolée yézidi d’Hajalî dans le massif de Sinjar
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III
Mausolée yézidi de Memê Rech dans le massif de Sinjar
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III

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