L’église syriaque-catholique Mariam Al Adra (Vierge Marie) de Zakho

L’église Mariam al Adra de Zakho se situe à 37°08’28.4″N 42°40’36.2″E et 440 mètres d’altitude, près de la frontière turco-syrienne.

Au début des années 1960 la population de la ville de Zakho comprenait 45 % de chrétiens. Ce ratio s’est effondré. En février 2018, ils n’étaient plu que 1 %. La plupart des Syriaques-Catholiques qui résident à Zakho sont venus de Bagdad et de la plaine de Ninive en 2005 et 2006 après l’effondrement du régime de Saddam Hussein.

Établie dans le quartier à dominante chrétienne de Nassara, l’église Mariam al Adra al Adra est attestée en 1850 grâce au registre paroissial.

L’église se dresse dans un domaine religieux, où l’on trouve également un presbytère, une maison d’hôtes et un cimetière. L’ensemble est parfaitement entretenu. À l’intérieur, l’église est vraiment très élégante. Sous la tribune, à l’ouest, a été aménagé un admirable petit musée paroissial.


Photo : L’église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho. Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Localisation

L’église Mariam al Adra (Vierge Marie) de Zakho se situe à 37°08’28.4″N 42°40’36.2″E et 440 mètres d’altitude, près de la frontière turco-syrienne.

Zakho est la plus importante ville irakienne près de la frontière turco-syrienne. Elle n’est qu’à 6 km  à l’est du principal point de passage frontalier Ibrahim Khalil avec la Turquie et à 30 km à l’est du Tigre sur l’extrémité orientale  de la Syrie. De fait, Zakho occupe une position stratégique de premier plan.

La ville de Zakho est traversée par le Khabour, un affluent du Tigre
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une histoire chrétienne

L’histoire chrétienne de Zakho est comparable à celle des autres villages de la région. Une présence confessionnelle juive préexistante. Une évangélisation précoce sous l’impulsion des apôtres Thomas, Addaï (possiblement l’apôtre Thaddée également nommé Jude dans les Évangiles) et Mari. Un IVe siècle riche de vocations et peuplé de récits de martyrs persécutés par le perse Shapur II. Et tout au long de cette période paléochrétienne le développement d’ermitages et de sanctuaires primitifs sur les lieux mêmes où furent érigés progressivement églises et monastères. Au long des siècles et jusqu’au déclin de l’Empire ottoman, les vallées et montagnes qui longent cette partie de la Mésopotamie furent un lieu d’épanouissement et de refuge de l’Église de l’Orient de part et d’autre de l’actuelle frontière turco-irakienne, cependant qu’y fleurirent dès le XVIIe siècle et plus encore à partir du XVIIIe les missions catholiques. Le père dominicain italien Léopold Soldini eût un rôle décisif dans la propagation du catholicisme dans le Kurdistan de 1760 jusqu’à sa mort à Zakho en 1779 où sa tombe devint un lieu de pèlerinage. C’est ainsi que les fidèles de l’Église de l’Orient (nestoriens) passèrent à l’Église chaldéenne et que les Syriaques-orthodoxes devinrent Syriaques-catholiques.

Cet univers communautaire et confessionnel s’effondra à la fin XIXe et au début du XXe siècle avec la multiplication des razzias commises par les tribus kurdes contre les villages chrétiens, le génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéo-Syriaques de l’Empire ottoman en 1915-1918, puis le démembrement de l’Empire.

Le reste du XXe siècle, même sous administration irakienne depuis 1921, n’offrit aucun répit. Entre 1961 et 1991, des combats et bombardements répétitifs eurent lieu entre les séparatistes kurdes et le régime de Bagdad, entrainant des déplacements de populations incessants, allant des villages vers les grandes villes et inversement, ce qui incluait évidemment les localités et communautés chrétiennes, avec des conséquences très lourdes sur le patrimoine chrétien. Des dizaines de villages chrétiens aux frontières de la Syrie, de la Turquie et de l’Iran ont été bombardés et rasés. « Des églises très anciennes, certaines de plus de dix siècles, ont été détruites[1]». À Zakho, on ne trouve plus trace des anciennes églises. Celles que l’on peut voir de nos jours sont toutes relativement récentes, toutes confessions confondues. Dans le gouvernorat de Dehok-Nouhadra, dans lequel se situe Zakho, « si cent églises ont été dynamitées (le chiffre réel est bien plus élevé) au moins deux-cents inscriptions ont sans doute été détruites[2] ». Certes daesh n’a pas atteint le Kurdistan d’Irak, mais « le bilan des années Saddam est terrible pour la communauté chrétienne du Kurdistan[3] ». Dans la seconde moitié des années 1990, après la guerre du Golfe et l’émergence progressive d’un Kurdistan autonome, les Chrétiens du Kurdistan revinrent dans leurs villes et villages d’origine. Ce mouvement s’accéléra à partir de 2003, avec la chute de Saddam Hussein et l’émergence des persécutions antichrétiennes islamico-mafieuses.

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[1] In « Croissance », 1995, Chris Kutschera. https://www.chris-kutschera.com/chretiens_irak.htm. Notons que l’église de Beidar (Bidar) a été rénovée et a retrouvée son usage liturgique.

[2] In « Recueil des inscriptions syriaques », tome 2, Amir Harrak, Académie des inscriptions et belles lettres, 2010, p.533

[3] In « Le livre noir de Saddam Hussein », Chris Kutschera, Oh Éditions, 2005, p.398

Le pont de pierres de Zakho sur le Khabour est également nommé Pont Delal
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Évolution démographique de Zakho et présence chrétienne

Zakho est une ancienne cité connue dans l’antiquité grecque, dont le nom, qui signifie Victoire en langue syriaque, évoque une bataille victorieuse de l’Empire romain contre la Perse.

Au début du XIXe siècle, le père dominicain Giuseppe Campanile comptait « dix mille âmes » à Zakho, parmi lesquels « six mille juifs, trois mille Turcs et mille chrétiens, tant catholiques que jacobites, sans parler des nombreux étrangers qui y séjournent pour leur commerce[1] ». La présence juive y était déterminante mais déclina jusqu’à sa disparition totale au début des années 1950.

Au début des années 1960, juste avant le début de la guerre entre le régime irakien et les peshmergas kurdes « la population de la ville de Zakho comprenait alors 45 % de chrétiens[2] ». Ce ratio démographique s’est effondré. En février 2018, on ne comptait plus que 1 % de Chrétiens à Zakho, majoritairement dans le quartier de Nassara, soit environ 3500 personnes sur une population de 350 000 habitants. Dans le détail : 64 familles syriaques-catholiques, 360 familles chaldéennes et 200 familles arméniennes apostoliques[3].

La plupart des Syriaques-Catholiques qui résident à Zakho sont venus de Bagdad et de la plaine de Ninive en 2005 et 2006 après l’effondrement du régime de Saddam Hussein en 2003. En revanche, les familles originaires de Zakho ont quasiment toutes quitté l’Irak dans les années 1990 en raison de l’effondrement économique et du pouvoir d’attraction des communautés syriaques installées en diaspora.

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[1] In « Storia della regione del Kurdistan », 1818. Traduit en français par le père dominicain Thomas Bois en 1953 et publié dans la revue Études kurdes de l’Institut kurde de Paris, Hors série I, Avril 2004, p.31.

[2] In « Le livre noir de Saddam Hussein », Chris Kutschera, Oh Éditions, 2005, p.394

[3] Évaluation faite par Mesopotamia. Elle résulte d’une collecte de données en février 2018 auprès des prêtres des communautés chaldéenne (père Johny Daoud Hanna, curé de la cathédrale Mar Guorguis et vicaire épiscopal du diocèse de Zakho) et syriaque-catholique (père Youssef Djemil Chito, curé de l’église Mariam al Adra de Zakho).

Pierre sculptée dans l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Livres manuscrits dans l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Livres manuscrits et objets liturgiques dans l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire de l’église Mariam al Adra de Zakho

Établie dans le quartier à dominante chrétienne de Nassara, l’église Mariam al Adra al Adra est attestée en 1850 « grâce au registre des baptêmes et des mariages[1] ». Une source écrite évoquerait toutefois l’existence d’un sanctuaire en 1612[2] sur le site de l’église. L’église est également attestée en 1923, grâce à l’évangéliaire qui s’y trouve.

À l’origine syriaque-orthodoxe, l’église Mariam al Adra devient syriaque-catholique, du fait de la propagation du catholicisme dans le Kurdistan.

L’église Mat Mariam a été rénovée en 1966. C’est à cette date que fut construite la galerie devant l’entrée de l’édifice. L’église fut ensuite fermée en 1993 en raison de l’émigration des syriaques-catholiques de Zakho. Abandonnée pendant 12 ans, elle fut rouverte en 2005 grâce à l’arrivée des Syriaques-catholiques de la plaine de Ninive et de Bagdad. Un an plus tard, en 2006, eût lieu une nouvelle rénovation. La dernière rénovation date de 2015, date à laquelle a également été crée à l’intérieur même de l’église sous la tribune à l’ouest de l’édifice.

Depuis 2006, quatre prêtres se sont succédés dans l’église Mariam al Adra. Le titulaire actuel se nomme Abouna Youssef Djemil Chito. Né à Bagdad d’une famille originaire de Qaraqosh (Baghdeda), il est devenu le curé de l’église Mariam al Adra en 2012. C’est au père Youssef Djemil Chito que l’on doit la valorisation du patrimoine de l’église Mariam al Adra et la création du musée.

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[1] Père Youssef Djemil Chito, curé syriaque-catholique de l’église Mariam al Adra de Zakho.

[2] Le père Youssef Djemil Chito, curé syriaque-catholique de l’église Mariam al Adra de Zakho, affirme que cette source est détenue par le service archéologique de l’administration irakienne à Bagdad.

Musée de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Le père Youssef Djemil Chito, curé de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho, présente les objets du musée
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Description de l’église Mariam al Adra de Zakho

L’église Mariam al Adra se dresse dans un domaine religieux, où l’on trouve également un presbytère, une maison d’hôtes et un cimetière. L’ensemble est parfaitement entretenu, les équipements y sont modernes et fonctionnels.

Vu de l’extérieur, un clocher sommaire s’élève sur une toiture en terrasses, à côté du dôme hémisphérique qui domine le chœur de l’église. Le parvis devant est dallé. Les deux portes d’entrée de l’église se trouvent sous une galerie. Sur la façade nord de l’édifice est encastrée une stèle gravée en mémoire du prêtre et missionnaire dominicain italien du XVIIIe siècle Léopold Soldini, toujours très estimé à Zakho.

À l’intérieur, l’église est vraiment très élégante. Son architecture à trois nefs est surmontée de voûtes en berceau et arcs brisés. L’édifice est porté par trois paires d’épais piliers libres en marbre de Mossoul et des piliers engagés dans les façades nord et sud, reliés entre eux par des arcs plein cintre.

Le sol est recouvert de dalles de marbre. Les murs sont soigneusement enduits en blanc.

On ne trouve ni porte royale, ni chancel pour séparer la nef du sanctuaire, mais une simple marche. Dans le chœur, un charmant maître-autel en marbre à colonnades est joliment mis en valeur par une belle lumière. Autrefois adossé au mur oriental, il a été avancé afin de pouvoir célébrer face au peuple. Au dessus du sanctuaire s’élève une coupole à base octogonale, percée de fenêtres.

Sur le mur méridional, on peut voir les stèles funéraires de trois prêtres qui ont servi dans l’église Mariam al Adra de Zakho.

 

 

L'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Galerie de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Stèle sur le mur de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Nef et sanctuaire de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Arches et et voûte de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Autel et abisde de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Autel de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Crucifix et tabernacle dans l'abside de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Stèles funéraires dans l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Cimetière de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Le petit musée

Sous la tribune, à l’ouest de l’édifice, a été aménagé un admirable petit musée paroissial. Parmi les différents objets et livres liturgiques, on peut y voir, dans une caisse en bois vitrée, un évangéliaire copié en 1923 avec sa couverture argentée et martelée représentant la crucifixion. L’original à de cet évangéliaire a été rédigé à Azeur, un village à l’ouest de Mardin (Turquie).

On peut aussi admirer une belle et grande assiette martelée et peinte offerte par une famille de Mardin (Turquie) au père Youssef Djemil Chito. Là aussi on peut y voir le Christ en croix avec les Saintes Femmes au pied du Golgotha. Il n’existe que trois exemplaires de cet assiette : à Mardin (Turquie), Hassaké (Syrie) et Zakho.

On y trouve également une très vieille clé de l’église Mariam al Adra, typique du style des anciennes clés des maisons du nord de l’Irak.

Évangéliaire, croix et ostensoire dans le musée de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Évangéliaire et ostensoire dans le musée de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Couverture de l'évangéliaire avec inscriptions syriaques et arabes dans le musée de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Plateau scuplté dans le musée de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Plateau scuplté et encensoir dans le musée de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Clé, encens et livres dans le musée de l'église syriaque-catholique Mariam al Adra de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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