La cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho

La cathédrale Mar Guorguis se situe à Zakho, à 37°08’27.6″N 42°40’39.6″E et 440 mètres d’altitude, près de la frontière turco-syrienne.

On ne trouve plus trace des anciennes églises de Zakho. Celles que l’on peut voir de nos jours sont toutes relativement récentes. On compte trois églises chaldéennes à Zakho: la cathédrale Mar Guorguis dans le quartier Nasara, l’église Mariam al Adra dans le quartier Abassia, l’église du Sacré Cœur dans le quartier de Bidar.

La cathédrale Mar Guorguis a été construite en 1911 par l’évêque Jérémie-Timothée Makdassi, qui voulut y établir le nouveau siège épiscopal chaldéen. Cette église-cathédrale a été plusieurs fois rénovée et modifiée. Contrairement aux pratiques patrimoniales irakiennes, les maîtres d’ouvrage, loin de démanteler « l’ancien » pour reconstruire « à neuf », ont au contraire procédé par additions successives. C’est ce qui explique la surprenante structure à cinq nefs de cette église.


La cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho. Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Localisation

La cathédrale Mar Guorguis se situe à Zakho, dans le quartier Nasara, à 37°08’27.6″N 42°40’39.6″E et 440 mètres d’altitude.

Zakho est la plus importante ville irakienne près de la frontière turco-syrienne. Elle n’est qu’à 6 km  à l’est du principal point de passage frontalier Ibrahim Khalil avec la Turquie et à 30 km à l’est du Tigre sur l’extrémité orientale  de la Syrie. De fait, Zakho occupe une position stratégique de premier plan.

La ville de Zakho est traversée par le Khabour, un affluent du Tigre
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une histoire chrétienne

L’histoire chrétienne de Zakho est comparable à celle des autres villages de la région. Une présence confessionnelle juive préexistante. Une évangélisation précoce sous l’impulsion des apôtres Thomas, Addaï (possiblement l’apôtre Thaddée également nommé Jude dans les Évangiles) et Mari. Un IVe siècle riche de vocations et peuplé de récits de martyrs persécutés par le perse Shapur II. Et tout au long de cette période paléochrétienne le développement d’ermitages et de sanctuaires primitifs sur les lieux mêmes où furent érigés progressivement les églises et monastères assyriens. Au long des siècles et jusqu’au déclin de l’empire ottoman, les vallées et montagnes qui longent cette partie de la Mésopotamie furent un lieu d’épanouissement et de refuge de l’Église de l’Orient de part et d’autre de l’actuelle frontière turco-irakienne, cependant qu’y fleurirent dès le XVIIe siècle et plus encore à partir du XVIIIe les missions catholiques. Jusqu’en 1850, Zakho, Akra et Amadia ne formaient qu’un seul diocèse chaldéen sous le nom d’Amadia. C’est à cette date qu’ils furent divisés en trois évêchés distincts[1]. Cet univers communautaire et confessionnel bascula à la fin XIXe et au début du XXe siècle avec les persécutions des Kurdes, la mise en œuvre de Seyfo[2] par l’administration Jeune-turque, puis le démembrement de l’Empire ottoman.

Le reste du XXe siècle, même sous administration irakienne depuis 1921, n’offrit aucun répit. Entre 1961 et 1991, les guerres successives qui opposèrent le régime irakien aux peshmergas kurdes pesèrent très lourdement sur les communautés chrétiennes et leur patrimoine. Ainsi, « dans le diocèse de Zakho – l’un des deux diocèses du Badinan, avec celui d’Amadia – 30 villages chaldéens et 40 églises ont été rasés : en dehors des villes de Zakho et de Dohok, il ne reste plus que cinq villages ! Des églises très anciennes, certaines de plus de dix siècles, ont été détruites, et d’autres, comme celle de Beidar, à la périphérie de Zakho, sont dans un état lamentable: après avoir été utilisée comme cantonnement par l’armée irakienne jusqu’au printemps 1991, elle sert aujourd’hui … d’étable[3] ». On ne trouve plus trace des anciennes églises de Zakho. Celles que l’on peut voir de nos jours sont toutes relativement récentes, toutes confessions confondues. Dans le gouvernorat de Dehok-Nouhadra, dans lequel se situe Zakho, « si cent églises ont été dynamitées (le chiffre réel est bien plus élevé) au moins deux-cents inscriptions ont sans doute été détruites[4] ». Certes daesh n’a pas atteint le Kurdistan d’Irak, mais « le bilan des années Saddam est terrible pour la communauté chrétienne du Kurdistan. Le soi-disant protecteur des chrétiens de Bagdad et Basra a anéanti la communauté chrétienne du Kurdistan. Des dizaines d’églises très anciennes, de rares témoins des origines du christianisme, ont été détruites. Des dizaines de villages chrétiens ont été rasés, et leur population déportée. Quel que soit l’avenir du Kurdistan, malgré quelques tentatives de reconstruction, c’est un monde qui a disparu à jamais, car rien ne fera revenir au Kurdistan les dizaines de milliers de chrétiens qui ont émigré à l’Ouest et sont établis aujourd’hui en Europe ou dans le Nouveau Monde.[5] »

[1] In « L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui ». Extrait de l’Annuaire Pontifical catholique de 1914, Abbé Joseph Tfinkdji, prêtre chaldéen à Mardin, p.70

[2] Seyfo est le nom syriaque donné au génocide des Assyro-Chaldéo-Syriaques de l’Empire ottoman en 1915-1918.

[3] In Croissance, 1995, Chris Kutschera. https://www.chris-kutschera.com/chretiens_irak.htm. Notons que l’église de Beidar (Bidar) a été rénovée et a retrouvée son usage liturgique.

[4] In « Recueil des inscriptions syriaques », tome 2, Amir Harrak, Académie des inscriptions et belles lettres, 2010, p.533

[5] In « Le livre noir de Saddam Hussein », Chris Kutschera, Oh Éditions, 2005, p.398

Le pont de pierres de Zakho sur le Khabour est également nommé Pont Delal
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Évolution de la démographie chrétienne de Zakho

En 1914, on comptait à Zakho 50 Chaldéens[1]. Au début des années 1960, avant le début de la guerre entre le régime irakien et les peshmergas kurdes « la population de la ville de Zakho comprenait alors 45 % de chrétiens[2] ». En 1985 « la paroisse cathédrale de Zakho qui comportait 600 personnes[3] » passa à 1500 en 1987 en raison de l’opération Anfal qui cibla les campagnes et accrut la population chrétienne des grandes villes « pour redescendre à 1176 en 1990 ». À la fin des années 1990, la réimplantation des déplacés chrétiens de la plaine de Ninive de Mossoul et de Bagdad accrut encore la population chaldéenne de Zakho. Elle atteignit 675[4] familles (environ 3400 personnes) en 2005, mais en 2017 on ne comptait plus que 360 familles chaldéennes à Zakho[5] (environ 1800 personnes). Cette dernière diminution est la conséquence d’un exil économique et non pas sécuritaire.

 

[1] In « L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui ». Extrait de l’Annuaire Pontifical catholique de 1914, Abbé Joseph Tfinkdji, prêtre chaldéen à Mardin, p.72

[2] In « Le livre noir de Saddam Hussein », Chris Kutschera, Oh Éditions, 2005, p.394

[3] In « Le livre noir de Saddam Hussein », Chris Kutschera, Oh Éditions, 2005, p.396

[4] Source Chris Kutschera

[5] Information recueillie en février 2017 par l’équipe de Mesopotamia auprès du père Johny Daoud Hanna, curé de la cathédrale Mar Guorguis et vicaire épiscopal du diocèse de Zakho.

Enfants en prière dans la cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire de la cathédrale Mar Guorguis de Zakho

On compte trois églises chaldéennes à Zakho: la cathédrale Mar Guorguis dans le quartier Nasara, l’église Mariam al Adra dans le quartier Abassia, l’église du Sacré Cœur dans le quartier de Bidar.

La cathédrale Mar Guorguis a été construite en 1911 par l’évêque Jérémie-Timothée Makdassi, qui voulut y établir le nouveau siège épiscopal chaldéen. Il fit également construire à la même époque un évêché, à côté de la cathédrale. Avant que ne soit bâtie Mar Guorguis, il n’y avait pas d’église chaldéenne dans ce quartier de Nassara. La vie diocésaine chaldéenne se déroulait dans le quartier de Bidar.

Cette église-cathédrale a été plusieurs fois rénovée et modifiée. Contrairement aux pratiques patrimoniales irakiennes, les maîtres d’ouvrage, loin de démanteler « l’ancien » pour reconstruire « à neuf », ont au contraire procédé par additions successives. C’est ce qui explique la surprenante structure à cinq nefs de cette église. En réalité, à l’origine Mar Guorguis était donc plus étroite et moins large. Elle a été rallongée une première fois au temps de l’évêque Stepanos Katcho, avec notamment la construction d’une tribune (à l’ouest) dans l’axe du sanctuaire. Elle a ensuite été élargie au nord comme au sud par l’ajout de bas-côtés supplémentaires au temps de l’évêque Petros Harboli. Les importants travaux d’embellissement qu’il entreprit au début des années 2000 ont été financés par le mécène et ministre du gouvernement régional kurde irakien Sarkis Aghajan, de sorte que la cathédrale renouvelée fut consacrée une deuxième fois.

Le Père Johny Daoud Hanna, vicaire épiscopal du diocèse de Zakho est le curé de la cathédrale Mar Guorguis[1].

[1] Février 2017

Portail d'entrée de la cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Une grotte mariale sur le parvis de la cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Description de la cathédrale Mar Guorguis de Zakho

La cathédrale Mar Guorguis se dresse dans un espace clos par une enceinte. Sur le vaste parvis qui devance l’église, on trouve à gauche du portail d’entrée une reproduction de la grotte de Lourdes, où les témoignages de dévotion mariale sont nombreux et permanents.

Vue de l’extérieur, la cathédrale Mar Guorguis impressionne par sa tour-clocher à base carrée et à trois niveaux. L’édifice est doté d’une couverture en terrasse. Deux portes sous une galerie à arcades permettent d’entrer dans l’édifice par le bas-côté nord.

À l’intérieur, la cathédrale est massive et élégante. Son architecture basilicale à cinq nefs est organisée de manière symétrique de part et d’autre du vaisseau surmonté d’une voûte en berceau plein cintre. Les deux premiers bas-côtés, au nord et au sud, datent de 1911. Ils sont séparés du vaisseau par d’épais arcs plein cintre que relient trois paires de piliers libres circulaires en marbre de Mossoul. Les bas-côtés ajoutés plus tardivement aux extrémités nord et sud sont portés par des colonnes adossées aux piliers engagés d’origine.

La porte royale du sanctuaire en arc plein cintre est surmontée d’une niche dans laquelle se trouve une très ancienne pierre à croix « assyrienne ».

Les marbres bien entretenus y sont d’une remarquable brillance. Les murs  sont recouverts d’un enduit blanc qui contribue à la clarté intérieure.

Le sanctuaire a été renouvelé et embelli. On y trouve un charmant maitre-autel en marbre. Les autels latéraux sont traditionnellement consacrés à Saint Joseph et à la Sainte Vierge.

Le bas-côté sud contient les sépultures des 8 évêques qui ont servi le diocèse de Zakho depuis Monseigneur Jérémie-Timothée Makdassi jusqu’à Monseigneur Petros Harboli.

La fête de la cathédrale Mar Guorguis, le 24 avril, est traditionnellement l’occasion d’une  grande célébration et d’un repas communautaire.

Nef et sanctuaire de la cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
La porte royale de la cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho est surmontée d'une niche contenant une pierre à croix assyrienne
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Autel et abside de la cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Vue intérieure nord-sud de la cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Bas-côté droit de la cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Bas-côté gauche de la cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Liste des 8 évêques de Zakho inhumés dans la cathédrale chaldéenne Mar Guorguis de Zakho
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Contribuez à la sauvegarde de la mémoire des monuments.

Photos de famille, vidéos, témoignages, partagez vos documents pour enrichir le site.

Je participe