L’église Mariam al Adra de Kirkouk (Vierge Marie, Immaculée Conception)

L’église Mariam al Adra (Vierge Marie, Immaculée Conception) se situe à Kirkouk, dans la quartier ancien de Koria, à 35°27’52.42″N44°22’43.04″E et 340 mètres d’altitude, dans une région autrefois connue sous le nom de Bét Garmaï.

Le premier évêque connu à Kirkouk se nommait Théocrite. Il exerça son apostolat au tout début du IIesiècle, entre 117 et 138. L’histoire chrétienne de Kirkouk est marquée au fer rouge par les persécutions du roi sassanide Yazdegerd II, en l’an 445, qui fit exécuter 12000  chrétiens et toute la hiérarchie de l’église locale.

L’église ancienne consacrée à Mariam al Adra (Vierge Marie, Immaculée Conception) fut construite en 1862, sous le règne du pape Pie IX, du Patriarche Joseph Audo et du Métropolite Yohanna Tamras, 8 ans après la proclamation du dogme marial de l’Immaculée Conception par ce même pape. L’église nouvelle du même nom a été construite juste à côté, en 1965.

Localisation

L’église Mariam al Adra (Vierge Marie, Immaculée Conception) se situe à Kirkouk, dans la quartier ancien de Koria, à 35°27’52.42″N44°22’43.04″E et 340 mètres d’altitude.

Kirkouk, capitale provinciale du même nom, se situe à l’est du Petit Zab. La ville est traversée par la rivière khasa, un affluent saisonnier du Tigre, sur son versant oriental.

Au nord-est de l’Irak, la région où se situe l’actuelle Kirkouk est connue dans l’histoire ancienne sous le nom de BétGarmaï, autrefois peuplée de Garaméens, peut-être issus d’une « peuplade persane montée dans cette région avant l’islam[1]», mais aussi peut-être Ninivites et Chaldéens et qui parlaient « certainement araméen[2] ».

[1]In Assyrie Chrétienne,  vol.III, p. 15, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968.

[2]Id. p.16

Carte du Proche-Orient et du sud-Caucase
© Journal France-Arménie
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Entrée
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Démographie et géopolitique

Les Kurdes constituent à Kirkouk la très grande majorité d’une population supérieure à 1,2 millions d’habitants. Le reste de la population est composée de Turcomans (chiites et sunnites), d’Arabes (sunnites) et de Chrétiens (essentiellement chaldéens et très faiblement arméniens). On comptait également autrefois une communauté juive aujourd’hui disparue. Il y aurait en 2018, 5000 chrétiens chaldéens à Kirkouk pour 7000 dans l’ensemble du territoire diocésain[1].

Grand centre pétrolier du nord de l’Irak, les rivalités communautaires se sont intensifiées à Kirkouk au tournant des XXeet XXIe siècles et ont été exacerbées par la guerre du Golfe dans les années 90 et la chute du régime de Saddam Hussein en 2003. Revendiquée par Massoud Barzani, ancien président de la Région autonome du Kurdistan d’Irak, Kirkouk fut protégée par les peshmergas kurdes lorsqu’en juin 2014 daesh menaça de s’en emparer.

Le référendum d’autodétermination du Kurdistan d’Irak, le 25 septembre 2017, inclus la province de Kirkouk, mais se solda le 16 octobre par une reprise de contrôle militaire et politique de Kirkouk par les forces armées irakiennes et des unités paramilitaires apparentées.

[1]Source : Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk.

Entrée de Kirkouk
Février 2008 © Pascal Maguesyan
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Adoration mariale
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’histoire chrétienne du Bét Garmaï et de Kirkouk

Le christianisme apparut probablement très tôt dans le BétGarmaï, dans la foulée de l’évangélisation de la Mésopotamie par l’apôtre Saint Thomas et par ses disciples Addaï et Mari. La tradition rapporte que le premier évêque connu à Kirkouk se nommait Théocrite[1]. Vraisemblablement issu du monde gréco-romain, il put ainsi trouver refuge en Perse et exerça à Kirkouk, son apostolat au tout début du IIesiècle, entre 117 et 138[2].

Dans l’Histoire de Karka[3]« le plus ancien sanctuaire chrétien de la ville serait l’église édifiée sur l’emplacement de la maison de Joseph, le premier converti de Mār Māri[4] ».Ce sanctuaire, dont on a perdu toute trace, n’était pas situé à la citadelle de Kirkouk, mais à 2 kilomètres de là, à Koria, aujourd’hui un quartier de la métropole.

L’histoire chrétienne de Kirkouk est marquée au fer rouge par les persécutions du roi sassanide Yazdegerd II, en l’an 445, qui firent « non seulement 12000 morts, mais [aussi]toute sa hiérarchie[5] ».En guerre contre l’Empire romain d’Orient passé au christianisme, le roi perse considéra les Chrétiens comme des ennemis de l’intérieur et intensifia simultanément l’imposition du zoroastrisme dans son Empire. 6 ans après avoir martyrisé les Chrétiens de Kirkouk, il engagea ses troupes contre les Arméniens qu’il battit dans la plaine d’Avarayr. Dans ce cas comme dans le précédent, Yazdegerd II ne parvint pas à éliminer le christianisme de l’Empire perse, mais développa au contraire le culte des martyrs qui constitue encore de nos jours un ferment essentiel du christianisme mésopotamien.

À la mort de Yazdegerd II, les Chrétiens de Kirkouk érigèrent un grand martyrion et instituèrent une célébration commémorative afin de « perpétuer le souvenir du triomphe des victimes[6] ». Ce grand martyrion, situé sur la colline de Tahmazgerd, à l’est de la citadelle, est aujourd’hui le plus ancien site chrétien visible de  Kirkouk. Son église primitive y aurait étéédifiée vers l’an 470, même s’il fallut attendre l’an 1607 pour que soit attesté l’existence d’un « monastère » à Tahmazgerd.

Les Chrétiens monophysites (syriaques) du BétGarmaï eurent ensuite à lutter contre l’intolérance du métropolite nestorien de Nisibe (Nusaybin), Barsaume, à la fin du Vesiècle, vers 484/485. Ceux qui refusèrent de passer au nestorianisme, résistèrent, périrent ou furent contraints de fuir. Au long des siècles et quelles qu’aient été les crises, le nestorianisme demeura primordial dans le BétGarmaï jusqu’à la constitution de l’église chaldéenne, unie à Rome en 1553, dont on dit qu’elle rencontra très tôt l’adhésion des chrétiens de Kirkouk, même s’il fallut attendre le XVIIIesiècle pour voir émerger une véritable église chaldéenne locale.

[1]Nom d’origine grecque, Théocrite / Theocritos / Tocriti  signifie « La force de Dieu »

[2]Source : Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk.

[3]Karka est l’ancien nom syriaque de l’actuelle Kirkouk

[4]In Assyrie Chrétienne,  vol.III, p. 49, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968

[5]In Assyrie Chrétienne,  vol.III, p. 17, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968.

[6]Id.

Monseigneur Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Monseigneur Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Clôture du mois de Marie
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire de l’église ancienne Mariam al Adra

L’église ancienne Mariam al Adra (Vierge Marie, Immaculée Conception) fut construite en 1862« sur un terrain offert par Georgis Oraha, un habitant chrétien du vieux village de Koria[1] »,qui se trouvait alors à 2 kilomètres de la citadelle de Kirkouk, et à 200 mètres du lieu-dit de Tépé Mulla Abdullah al Aali, où se trouva possiblement une des toutes premières églises de l’agglomération de Kirkouk / Koria, que visita notamment le missionnaire dominicain Jacques Rhétoré en 1878, et qui portait également le nom de la Vierge Marie.

On trouve dans le mur sud de l’église ancienne Mariam al Adra (Vierge Marie, Immaculée Conception), une plaque de marbre très dégradée sur laquelle est gravée en syriaque l’inscription dédicatoire. On peut y lire : « cette église chaldéenne fut construite au nom de la Vierge Marie de l’Immaculée Conception, sous le règne du pape Pie IX et du Patriarche Joseph Audo et du Métropolite Yohanna Tamras, en 1862 ».

Cette dédicace fit suite à la proclamation du dogme marial de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX le 8 décembre 1854, dont la bulle établit comme vérité de foi que « la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel ».

La construction de l’église chaldéenne Mariam al Adra de Kirkouk (quartier de Koria) suivit également de 4 ans les apparitions mariales de Lourdes à la jeune Bernadette Soubirous, en 1858, qui furent reconnues officiellement par l’évêque du diocèse de Tarbes en janvier 1962 et eurent un retentissement international.

Incontestablement la construction de l’église chaldéenne Mariam al Adra de Kirkouk  s’inscrivit dans un contexte de très forte dévotion à la Vierge Marie dans l’église catholique et dans le monde entier.

Cette église fut d’ailleurs construite 3 ans avant la cathédrale chaldéenne Om al Ahzane (Mère des Douleurs) de la citadelle de Kirkouk, elle-aussi dédiée en 1965 au culte marial.

« En 1924, suite aux troubles causés par l’occupation de l’armée britannique à Kirkouk, les habitants de Koria ont dû quitter leurs maisons et se réfugier à la citadelle. L’église a été pillée, elle est devenue un enclos pour les animaux pendant 3 mois. Le calme étant revenu, les habitants sont revenus à leurs domiciles et l’église fut restaurée. »[2]

Un siècle plus tard, en 1965, une église moderne du même nom, mais beaucoup plus spacieuse, fut construite à côté de l’ancienne. Elle fut érigée grâce à la donation d’Agabi Djerjian, veuve d’Ibrahim Kolchi et de sa sœur Lucy[3].

[1]Source : Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk.

[2]Id.

[3]Une stèle fait mémoire de la donation d’Agabi Djerjian, veuve d’Ibrahim Kolchi et de sa sœur Lucy dans la nouvelle église Mariam al Adra. Elle est incrustée dans le mur droit tout près du sanctuaire.

Église Mariam al Adra de Kirkouk. Dédicace de l'ancienne église
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Icône de la Vierge à l'Enfant "odigitria" à l'entrée de la nouvelle église
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Stèle en mémoire des époux et donateurs Agabi Djerjian et Ibrahim Kolchi
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Description de l’église ancienne Mariam al Adra et de son domaine religieux

La superficie de l’église ancienne Mariam al Adra (Vierge Marie, Immaculée Conception) est de 112 m2(8 m /14 m).

L’église ancienne fut construite en pierre et marbre de Mossoul et enduite d’un plâtre façonné de moulures. Sa structure basilicale à deux nefs parallèles surmontées de deux voûtes d’ogive est soutenue par 4 épais piliers libres octogonaux en marbre ainsi que des piliers engagés dans les murs. Les murs y sont percés en hauteur de petites fenêtres. Au bout de la double nef, le sanctuaire est accessible après avoir franchi deux portes simples en forme d’arche, qui à l’origine devaient sans doute être fermées par un rideau liturgique. Les deux autels qui se trouvent dans le sanctuaire sont surmontés de coupoles.

Cette église a été rénovée et restaurée plusieurs fois. Le niveau du sol à présent surélevé était à l’origine plus bas. Une toiture à deux pans recouverte de tuiles couvre l’ensemble de l’édifice.

Comme pour la plupart des édifices chrétiens mésopotamiens, l’église Mariam al Adra de Kirkouk est d’une grande sobriété ornementale et décorative.

À côté de l’église ancienne Mariam al Adra construite en 1862 se trouve l’église nouvelle, bâtie en 1965, au temps de l’archevêque Rafaël Rabban, l’année même de la clôture du grand concile réformateur « Vatican 2 ». Résolument moderne, construite en béton armé, cette vaste église en forme de halle imite une triple nef, soutenue par 8 piliers libres recouverts de boiseries. Les murs latéraux sont percées de baies vitrées. Une tribune pour la chorale surmonte l’unique porte d’entrée de l’église, en façade dans l’axe du sanctuaire. Le sanctuaire totalement ouvert est surélevé de 3 marches. Une arche sans inscription ni décoration ouvre sur l’espace sacré.

Une stèle sur le mur gauche de l’église nouvelle, près du sanctuaire, fait mémoire des évêques et chorévèques décédés et enterrés sous l’autel.

Les deux églises, l’ancienne et la nouvelle, forment aujourd’hui un espace religieux commun soigneusement entretenu et doté d’un beau jardin d’agrément.

Une grotte mariale est disposée au centre du domaine vers laquelle convergent non seulement les fidèles chaldéens mais aussi nombre de visiteurs de toutes communautés attachés au culte marial.

Église Mariam al Adra de Kirkouk. L'ancienne église
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Intérieur de l'ancienne église
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Intérieur de l'ancienne église : chapelle mariale
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Pilier de marbre dans l'ancienne église
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Nef centrale de la nouvelle église
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Sanctuaire de la nouvelle église
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Célébration liturgique dans la nouvelle église
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Célébration liturgique dans la nouvelle église
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Stèles funéraires des anciens évêques et chorévêques de l'église
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Jours de fêtes à l’église Mariam al Adra

Plusieurs grandes fêtes mariales annuelles sont particulièrement célébrées à l’église Mariam al Adra ((Vierge Marie, Immaculée Conception). Parmi celles-ci, le 8 décembre, jour de l’Immaculée Conception et le 31 Mai, jour de clôture du mois de Marie, au cours desquels l’archevêque de Kirkouk célèbre la Sainte-Messe et guide une procession avec l’icône de la Sainte Vierge.

La vitalité de la communauté chaldéenne de Kirkouk doit beaucoup à l’apostolat de son archevêque, Monseigneur Yousif Thomas Mirkis, qui multiplie les initiatives pastorales, sociales et économiques afin de stabiliser la présence chrétienne dans cette ville et cette région.

Église Mariam al Adra de Kirkouk. Reproduction d'une grotte mariale
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Fête mariale en présence de Monseigneur Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mariam al Adra de Kirkouk. Fête mariale
Mai 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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