L’église chaldéenne Mart Schmouni de Inishké

L’église Mart Schmouni de Inishké se situe à 37°6’21.14″N 43°21’38.93″E et  1149 mètres d’altitude.

 

De tous les villages de la vallée de Sapna autrefois membres de l’Église Apostolique Assyrienne de l’Orient, Inishké est le dernier à avoir rejoint l’Église chaldéenne. En 2010, après les incessants mouvements de population, on trouvait à Inishké une trentaine de familles.

Il faut signaler l’existence de deux églises à Inishké. La plus ancienne, Mar Gīwargīs (Saint Georges le martyr), fut construite dans le vieux Inishké qui se trouvait au sud de l’actuel village. L’église Mart Schmouni fut érigée dans le nouveau village en 1885. Il n’en reste quasiment rien. En lieu et place a été construite  une nouvelle Mart Schmouni à la toute fin du XXe siècle pour les familles originaires d’Inishké revenues au village.


Photo : L’église chaldéenne Mart Schmouni de Inishké. Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Localisation

L’église Mart Schmouni se situe à 37°6’21.14″N 43°21’38.93″E et  1149 mètres d’altitude dans le village de Inishké.

Connu pour ses grottes aménagées et son petit lac en contrebas, Inishké se trouve à 78 km à l’est de Zakho, à 4 km à l’est de Ar Aden, et 17 km à l’ouest de Amadia et 50 km au nord-est de Dehok-Nouhadra.

Le village est relativement proche de la frontière turque à 20 km au sud, mais à 86 km par la route à l’est du point de passage frontalier Ibrahim Khalil.

Le village de Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une histoire chrétienne

L’histoire chrétienne de Inishké est comparable à celle des autres villages de la région. Une présence confessionnelle juive préexistante. Une évangélisation précoce sous l’impulsion des apôtres Thomas, Addaï (possiblement l’apôtre Thaddée également nommé Jude dans les Évangiles) et Mari. Un IVe siècle riche de vocations et peuplé de récits de martyrs persécutés par le perse Shapur II. Et tout au long de cette période paléochrétienne le développement d’ermitages et de sanctuaires primitifs sur les lieux mêmes où furent érigés progressivement les églises et monastères assyriens. Au long des siècles et jusqu’au déclin de l’empire ottoman, les vallées et montagnes qui longent cette partie de la Mésopotamie furent un lieu d’épanouissement et de refuge de l’Église de l’Orient de part et d’autre de l’actuelle frontière turco-irakienne, cependant qu’y fleurirent dès le XVIIe siècle et plus encore à partir du XVIIIe les missions catholiques. De tous les villages de la vallée de Sapna autrefois membres de l’Église Apostolique Assyrienne de l’Orient, Inishké est le dernier à avoir rejoint l’Église chaldéenne (catholique).

Tout bascula à la fin XIXe siècle et au début du XXe siècle avec les persécutions des Kurdes, la mise en œuvre de Seyfo[1] par l’administration Jeune-turque, puis le démembrement de l’Empire ottoman.

Le reste du XXe siècle, même sous administration irakienne depuis 1921, n’offrit aucun répit. Entre 1961 et 1991, les guerres successives qui opposèrent le régime irakien aux peshmergas kurdes pesèrent très lourdement sur les communautés chrétiennes et leur patrimoine. En septembre 1961, dès le début de la guerre qui opposa le régime irakien aux peshmergas kurdes, Inishké fut incendié et les villageois contraints de s’installer dans les grands centres urbains. Ce territoire montagneux fut également interdit d’accès entre 1961 et 1970. Après l’accord de paix du 11 mars 1970 les habitants revinrent à Inishké. Pourtant, le va-et-vient des populations se poursuivit au rythme de l’évolution du conflit. Il connut son paroxysme en 1988 lors de l’opération Anfal au cours de laquelle de nombreux villages de cette région furent bombardés avec des armes chimiques. Dans la seconde moitié des années 90, après la guerre du Golfe et l’émergence progressive d’un Kurdistan autonome, les Chrétiens revinrent dans leurs villages d’origine. Ce mouvement s’accéléra à partir de 2003, avec la chute de Saddam Hussein et l’émergence des persécutions antichrétiennes islamico-mafieuses. C’est ainsi que Inishké fut reconstruit, comme tous les villages chrétiens passés sous l’autorité du gouvernement régional du Kurdistan d’Irak. À Inishké, soixante-neuf maisons furent construites et 38 restaurées et l’église fut restaurée.

[1] Seyfo est le nom syriaque donné au génocide des Assyro-Chaldéo-Syriaques de l’Empire ottoman en 1915-1918.

Premiers communiants dans l'église Mart Schmouni à Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une hagiographie

Dans le grand livre des martyrs de l’Église de l‘Orient, Mart Schmouni occupe une place importante. L’hagiographie de Mart Schmouni et de ses sept Saints-Enfants est bien connue dans tout l’Orient chrétien mésopotamien. Le récit du martyre de cette famille juive, les Maccabées, figure au chapitre 7 du deuxième livre des Maccabées. Ce récit révèle les persécutions dont furent victimes les Juifs sous le règne du roi séleucide Antiochus IV Épiphane, parce qu’ils respectaient les Lois de Dieu et croyaient déjà en la résurrection et la vie éternelle…deux siècles avant l’avènement du christianisme.

Les sept frères Maccabées furent ainsi « arrêtés avec leur mère et contraints à manger du porc »[1] afin d’apostasier. Tous refusèrent et périrent martyrs les uns après les autres sous les yeux de leur mère. Le premier fut ainsi « horriblement torturé, puis placé sur un gril (…) »[2]. Malgré sa détresse, leur mère, Mart Schmouni, les encouragea  un à un à  rester fidèles à la Loi de Dieu, jusqu’au cadet qu’elle supplia de ne pas craindre le bourreau « mais, te montrant digne de tes frères, accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux dans la miséricorde. »[3]

[1] In La Bible rendue à l’histoire, Jean Potin, éditions Le Club, Juin 2000, p.616

[2] Id. p.616

[3] Id. p.617, Extrait : 2 Maccabées, 7, 29

Croix sur l'église désaffectée de Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Démographie d’Inishké

Modeste village du diocèse d’Amadia, il y avait en 1875 à Inishké une « quarantaine de foyers[1] » (environ 240 habitants). En 1913, on y comptait 250 Chaldéens[2]. Au recensement de 1975, on comptait 333 habitants dans le village, tous Chaldéens. En 2010, après les incessants mouvements de population, on trouvait à Iniskhé une trentaine de familles (environ 150 habitants)[3].

[1] In « Le Muséon », revue d’études orientales. Tome 102- Fasc.1-2., Jean-Maurice Fiey, Louvain-la-Neuve, 1989, p.48.

[2] In L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui, Abbé Joseph Tfinkdji, 1913, Extrait de l’Annuaire Pontifical Catholique de 1914, p. 54.

[3] In « Recueil des inscriptions syriaques », Amir Harrak, 2010, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, p.549

Réunion fraternelle avec une délégation française de Pax Christi dans l'église (aujourd'hui désaffectée) Mart Schmouni de Inishké
Février 2008 © Pascal Maguesyan
Célébration religieuse dans la nouvelle église Mart Schmouni de Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire et description de l’église Mart Schoumi de Inishké

Il faut tout d’abord signaler l’existence de deux églises à Inishké. La première et la plus ancienne, Mar Gīwargīs (Saint Georges le martyr), fut construite dans le vieux Inishké qui se trouvait au sud de l’actuel village. Son existence est signalée dès 1728 dans un recueil d’hymnes[1]. La seconde, Mart Schmouni, fut érigée dans le nouveau village en 1885 par l’évêque d’Amadia, Monseigneur Cyriaque Georges Goga.

En 2010, le professeur Amir Harrak ne repéra de la toute première Mart Schmouni que l’arche du sanctuaire ainsi qu’un tas de pierres. Il restait aussi de cet édifice une inscription commémorative datée de 1885. Gravée en syriaque estrangela sur une pierre polie de 46 / 33 cm, elle est conservée par la famille de l’ancien maire d’Inishké, Yaldā Čōpē[2].

On peut y lire que l’église Mart Schmouni fut  construite en 1885, à l’époque du pape Léon XIII, du patriarche chaldéen Mar Eliyya XIV Abo-Alyonan et du délégué apostolique, le dominicain Henri Altmayer qui finança la construction de cet édifice.

S’il ne reste quasiment rien de la première de 1885, la deuxième Mart Schmouni a été construite à la toute fin du XXe siècle pour les familles originaires d’Inishké revenues au village. Cette petite église mononef longitudinale avec toiture en terrasse est une modeste halle sans charme.  Elle est déjà endommagée et inadaptée aux besoins spirituels de la communauté chaldéenne. C’est la raison pour laquelle une troisième Mart Schmouni a été construite après 2010 juste en face de la deuxième. Elle occupe le rez-de-chaussée d’un bâtiment moderne à deux niveaux qui ne ressemble en rien à un édifice religieux, mais sur le toit duquel une cloche a été installée.  C’est dans cette halle aménagée en lieu de culte que les Chaldéens d’Inishké célèbrent les messes et les sacrements.

Mart Schmouni y est célébrée le 1er Mai.

[1] In « Le Muséon », revue d’études orientales. Tome 102- Fasc.1-2., Jean-Maurice Fiey, Louvain-la-Neuve, 1989, p.48.

[2] In « Recueil des inscriptions syriaques », Amir Harrak, 2010, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, p.549-551

L'église désaffectée Mart Schmouni de Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
La nouvelle église Mart Schmouni de Inishké construite juste en face de l'église désaffectée
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Célébration religieuse dans la nouvelle église Mart Schmouni de Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Les premiers communiants en procession dans la nouvelle église Mart Schmouni de Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Célébration d'une première communion dans la nouvelle église Mart Schmouni de Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Portrait d'un nouveau né dans la nouvelle église Mart Schmouni de Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Premiers communiants dans l'église Mart Schmouni à Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Premiers communiants dans l'église Mart Schmouni à Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Premiers communiants dans l'église Mart Schmouni à Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Un premier communiant devant l'église Mart Schmouni à Inishké
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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