L’église arménienne apostolique Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra

L’église arménienne apostolique Sourp Nersès Chenorhali (Saint Nersès le Gracieux) se situe à 36°51’30.0″N 43°00’00.0″E(coordonnées générales de Dehok)et 1167 mètres d’altitude, à Dehok-Nouhadra, capitale de la Région autonome du Kurdistan d’Irak.

En 2000, 43 familles arméniennes résidaient à Dehok-Nouhadra. En 2016-2017, on y comptait 93 familles, en raison de l’arrivée de familles déplacées de la plaine de Ninive et de Mossoul. Avant 2008, il n’existait pas d’église arménienne à Dehok. Les Arméniens y demandaient l’hospitalité à l’Église assyrienne pour célébrer notamment les mariages, les baptêmes et les funérailles. Ils se rendaient aussi à l’église arménienne de Zakho, à 55 km au nord-est. L’église arménienne Sourp Nersès Chenorhali a été construite en 2008 et consacrée en 2009.

C’est une église Sourp Nersès Chenorhali caractéristique de l’architecture sacrée arménienne. Elle présente un plan cruciforme libre (les bras de la croix sont visibles de l’extérieur), monoconque (une seule abside à l’est) et longitudinal (l’axe est-ouest de la croix est plus long que l’axe nord-sud).


Photo : Eglise arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Localisation

L’église arménienne Sourp Nersès Chenorhali (Saint Nersès le Gracieux) se situe à 36°51’30.0″N 43°00’00.0″E (coordonnées générales de Dehok) et 1167 mètres d’altitude, à Dehok-Nouhadra, ville et capitale provinciale dans le Kurdistan d’Irak, à 70 km au nord de Mossoul, 150 km au nord-ouest de Erbil et 60 km au sud-est de la frontière turco-syrienne.

Vue sur une affiche électorale depuis la cour de l'église arménienne Saint Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Sources de la présence arménienne en Irak

Les sources de la présence arménienne en Mésopotamie ont accompagné l’histoire des siècles dès l’Antiquité.  Au Ier siècle avant J.-C. l’Adiabène (dont Arbelès / Erbil fut la « capitale ») fut partie intégrante du Royaume d’Arménie de Tigrane II le Grand. Au tout début du IVe siècle, l’Adiabène était encore la marche méridionale de l’Arménie, devenue en l’an 301 le tout premier royaume chrétien de l’histoire. « Probablement aussi, il y eut vers 328-329 une entrevue entre les deux seuls souverains chrétiens de l’époque : l’empereur romain Constantin Ier et l’Arménien Tiridate III. Constantin Ier confirma le rôle de Tiridate III pour l’évangélisation de l’Orient. C’est ainsi que des missionnaires arméniens participèrent à l’évangélisation de la Mésopotamie et du royaume sassanide, comme le  relate l’historien grec Sozomène, vers 402 : « Ensuite, parmi les peuples voisins, la croyance progressa et s’accrut d’un grand nombre et je pense que les Perses se christianisèrent grâce aux importantes relations qu’ils entretenaient avec les Osroéniens[1] et les Arméniens (…) »[2] ».

Au XVIIe de nouvelles communautés arméniennes s’implantèrent en Mésopotamie irakienne après que le Perse Shah Abbas Ier eût conquis Bagdad en 1623. Dans les toutes premières années du XVIIe siècle, le roi perse déporta la population arménienne de Djougha (ancienne cité arménienne du Nakhitchevan sur la rive nord de l’Araxe). 12000 Arméniens furent ainsi réimplantés dans la Nouvelle Djougha, aux portes d’Ispahan, afin de participer au développement de la nouvelle capitale de l’Empire perse séfévide. À la mort du Shah, les Arméniens de Perse connurent une période de troubles. Nombre d’entre eux se déplacèrent en Mésopotamie et s’installèrent notamment à Bassorah (sud de l’actuelle Irak), tandis que d’autres poursuivirent leu chemin jusqu’en Inde.

La reprise de Bagdad en 1638 par le sultan ottoman Mourad IV avec l’aide de soldats arméniens ottomans ouvrit un nouvel épisode de l’implantation arménienne à Bagdad. Tout au long de la domination ottomane et jusqu’au déclin de l’Empire au début du XXe siècle, les Arméniens développèrent leurs institutions, tant et si bien qu’au début du XIXe siècle ils étaient dit-on près de 90 000 en Irak[3].

Le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman en 1915-1917 constitua une ultime et dramatique source migratoire des Arméniens vers la  Mésopotamie irakienne. Déportés des provinces orientales de l’Empire, venant du nord (Diyarbakır) le long du Tigre, de l’ouest (Ras-al-Aïn) le long de la ligne de chemin de fer allant d’Alep à Bagdad, mais aussi de Van en passant au préalable par la Perse, les Arméniens parvinrent dans certaines zones de relégation à Zakho, Avresk, Avzrog, mais aussi Mossoul et Kirkouk. À cet égard, il faut évoquer un tragique épisode. En janvier 1916 en 2 nuits seulement, 15000 déportés arméniens à Mossoul et dans ses environs furent exterminés, attachés 10 par 10, et jetés dans les eaux du Tigre. Déjà, bien avant ce carnage, dès le 10 juin 1915, le consul allemand à Mossoul, Holstein, télégraphia à son ambassadeur des scènes édifiantes: « 614 arméniens (hommes, femmes, enfants) expulsés de Diarbékyr et acheminés sur Mossoul ont tous été abattus en voyage pendant le voyage en radeau (sur le Tigre). Les kelek sont arrivés vides hier. Depuis quelques jours le fleuve charrie des cadavres et des membres humains (…)[4]»

Aujourd’hui, les Arméniens d’Irak sont pour la plupart des descendants des rescapés du génocide de 1915. Politiquement effacés, connus pour leur loyauté, ils développèrent leurs infrastructures éducatives, sociales et religieuses.

Très majoritairement membres de l’église apostolique arménienne (autocéphale depuis son origine en l’an 301), les Arméniens d’Irak comptent également nombre de catholiques[5] ainsi qu’une petite communauté évangélique.

Après le renversement de Saddam Hussein en 2003, la situation s’est considérablement dégradée. Les attaques islamico-mafieuses contre les Chrétiens irakiens ont également visé les Arméniens et leurs églises. Le 1er août 2004, la cathédrale arménienne catholique Notre Dame du Rosaire, à Bagdad, dans le quartier de Karada, a été ciblée par un attentat à l’explosif.  Une église arménienne en construction à Mossoul a également été visée le 4 décembre 2004. Depuis près de 20 ans, l’émigration des Arméniens d’Irak est rythmée par ces différentes vagues de violence. La bataille de Mossoul au cours de l’été 2017 et l’intensité des bombardements a également affecté le patrimoine arménien. Avant 2003, il y avait vraisemblablement plus de 25 000 Arméniens en Irak, aujourd’hui les responsables communautaires parlent de 10000 à 13000 Arméniens en Irak. La moitié habiterait encore Bagdad. Les autres vivent au Kurdistan d’Irak, à Kirkouk, à Suleymanié ainsi qu’à Bassorah. Il n’y a plus d’Arméniens à Mossoul.

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[1] Les Osroéniens sont les habitants d’Édesse. De son nom antique Osroé, Édesse fut une grande cité-capitale de l’Antiquité, avant de devenir un des plus grands centres de diffusion du christianisme dès l’époque paléochrétienne. La tradition arménienne rapporte que le roi d’Édesse et d’Arménie, Abgar V, voulut accueillir le Christ en son royaume, et lui fit parvenir un message à cet effet. Ce n’est pas le Christ qui vint à Édesse mais un de ses apôtres Thaddée (Jude). Édesse fut ensuite nommée Ourfa et demeura le siège d’une principauté.  Aujourd’hui la ville est nommée Şanlıurfa depuis 1984 (en Turquie).

[2] In « Arménie, un atlas historique », p.22 et carte p.23. Édition Sources d’Arménie, 2017.

[3] Source : Ambassade d’Arménie en Irak

[4] In « L’extermination des déportés arméniens ottomans dans les camps de concentration de Syrie-Mésopotamie ». N° spécial de la Revue d’Histoire Arménienne Contemporaine, Tome II, 1998. Raymond H.Kevorkian. p.15

[5] Sur le site web de l’ambassade d’Arménie en Irak, on peut lire : « En 1914, les Arméniens catholiques d’Irak étaient 300. Après la première guerre mondiale et jusqu’en 2003, la communauté est parvenue à 3000 membres. De nos jours, les Arméniens catholiques en Irak comptent 200 à 250 familles. Les Arméniens catholiques ont deux églises. L’une nommé Notre Dame des Fleurs bâtie en 1844, l’autre nommée Sacré Cœur de Jésus bâtie en 1937. En 1997 la principale église catholique arménienne a été restaurée et est considérée comme la plus grande église de Bagdad. L’archevêque Emmanuel Dabaghian est le Primat des Arméniens catholiques d’Irak. »

Ararat : la montagne mythique des Arméniens. Arménie-Occidentale / Turquie orientale.
Juillet 2015 © Pascal Maguesyan
Carte d'Arménie dessinée par le Père Hyacinthe Simon, o.p.
© Fonds Mossoul. Archives de la Bibliothèque du Saulchoir (Province domincaine de France)
Carte du vilayet arménien de Van (Arménie ottomane)
© Fonds Mossoul. Inventaire IV 100.8.4.5. Archives de la Bibliothèque du Saulchoir (Province domincaine de France)
Carte d'Arménie au IVe siècle
© In "Arménie, un atlas historique", p.23, éditions Sources d'Arménie, 2017
Frontières politiques Sud-Caucase, Mésopotamie, Proche-Orient
© France-Arménie, 2008
Croquis du monastère arménien Hokots Vank du Père Jacques Rhétoré, o.p.
© Fonds Mossoul. Archives de la Bibliothèque du Saulchoir (Province domincaine de France)
Ruines du monastère arménien de Scantchelakordzi Vank. Adilcevaz, province de Van, Arménie-Occidentale / Turquie Orientale.
Juillet 2012 © Pascal Maguesyan

Qui était Sourp Nersès Chenorhali (Saint Nersès le Gracieux) ?

Né en 1102, issu de la dynastie princière des Pahlavouni, Nersès Glaietsi fut élu Catholicos (Chef suprême et universel) de l’Église Apostolique Arménienne en 1166. Il occupa le siège catholicossal arménien sous le nom de Nersès IV jusqu’à son décès en 1173. Son substantif arménien Chenorhali signifie Le Gracieux ou Plein de Grâce. Il lui fut attribué en raison de son rayonnement spirituel, littéraire et intellectuel. Théologien de renom, il professait une foi « en Christ Homme-Dieu, contre le monophysisme (celui d’Eutychès), privilégiant la nature divine, et le nestorianisme, privilégiant la nature humaine[1] ». Il tissa des liens avec les églises greco-byzantines, dans un souci œcuménique mais aussi et sans doute politique. Poète, il écrivit de nombreux cantiques mais aussi des prières pour chaque heure de la Journée. L’une d’elle « Avec foi je vous confesse » est composée de 24 remarquables strophes[2]. La toute première est ainsi formulée : « Je vous confesse avec foi et je vous adore, o Père, o Fils o Saint-Esprit, nature incréée et immortelle, Créateur des Anges, des hommes et de tout ce qui existe. Ayez pitié de vos créatures. »

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[1] In « Les Arméniens, histoire d’une Chrétienté », Gérard Dédéyan, Éditions Privat, p. 37

[2] https://shnorhali.com/francais/

Timbre émis par la République d'Arménie pour le neuvième centenaire de Sourp Nersès Chenorhali
© D.R.

Histoire de l’église arménienne Sourp Nersès Chenorhali (Saint Nersès le Gracieux)

En 2000, 43 familles arméniennes résidaient à Dehok-Nouhadra. En 2016-2017, on y comptait 93 familles, en raison de l’arrivée de familles déplacées de la plaine de Ninive et de Mossoul. Avant 2008, il n’existait pas d’église arménienne à Dehok. Les Arméniens y demandaient l’hospitalité à l’Église assyrienne pour célébrer notamment les mariages, les baptêmes et les funérailles. Ils se rendaient aussi à l’église arménienne de Zakho, à 55 km au nord-est.

L’église Sourp Nersès Chenorhali a été construite en 2008 (une plaque gravée en arménien datée du 5 septembre 2008 en porte témoignage à l’intérieur) et consacrée en 2009. Elle est l’œuvre de l’architecte Yervant Aminian, parlementaire arménien du Kurdistan Irak[1]. La construction de cette église a été financée par le gouvernement de la région autonome du Kurdistan d’Irak, par l’intermédiaire de Sarkis Aghajan, mécène chrétien irakien et ancien ministre de l’économie et des finances.

Le père Massis Chahinian, curé de l’église apostolique arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra[2], regrette que les Arméniens d’Irak soient restés isolés pendant l’exode des Chrétiens de la plaine de Ninive. Ils n’ont eu aucune relation avec les communautés arméniennes de la diaspora, ni même avec la République d’Arménie. « Aucun arménien n’est venu nous voir ! »

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[1] En août 2018

[2] Au jour de la visite de Mesopotamia, le 27 Août 2018

Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Dédicace.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Intérieur, livret de messe.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Description de l’église arménienne Sourp Nersès Chenoghali (Saint Nersès le Gracieux)

L’église arménienne Sourp Nersès Chenorhali est un édifice en béton armé, recouvert de pierres de parement ocre-beige à l’extérieur et peint à l’intérieur.

Cette église est caractéristique de l’architecture sacrée arménienne. Elle présente un plan cruciforme libre (les bras de la croix sont visibles de l’extérieur), monoconque (une seule abside à l’est) et longitudinal (l’axe est-ouest de la croix est plus long que l’axe nord-sud). Sa coupole octogonale est formée d’un tambour à fenêtres et d’une coiffe pyramidale surmontée d’une croix arménienne métallique.

L’entrée de l’édifice, à l’ouest, est précédée d’un porche clocher à rotonde à deux niveaux. La porte d’entrée en bois est ornée d’une sculpture de croix fleurie arménienne. Une fois passée l’entrée, au dessus du bras occidental de la croix se trouve une tribune pour le chœur.

L’église est bien éclairée par une lumière naturelle provenant des nombreuses fenêtres à vitraux des façades nord et sud et du tambour.

Un chancel en bois sépare la nef du sanctuaire. Celui-ci se compose de deux parties. Sa partie basse est ouverte aux fidèles pendant la communion eucharistique et la célébration des sacrements. Sa partie haute, le bèm, est une tribune sur laquelle se dresse le maître-autel à degrés. En forme d’arche, revêtu de plaques de marbre bicolore, il est orné d’une icône de la Vierge de tendresse, dont le grand voile bleu entoure un Christ enfant qui enlace sa mère avec son bras droit autour du cou. Derrière le maître-autel se trouve un étroit déambulatoire, qui le sépare du mur de l’abside.

Dans la cour de l’église, on trouve un grand khatckar (pierre à croix arménienne finement ciselée), érigé en 2015, en mémoire du centenaire du génocide des Arméniens.

On trouve aussi contre le mur de l’église un petit autel de prières devant lequel les pèlerins brûlent des bougies votives devant une statue du Sacré-Cœur de Jésus.

Un immeuble de trois étages a été construit dans le domaine religieux où se trouve l’église arménienne Sourp Nersès Chenorhali. Il comprend des bureaux, une salle des fêtes, une école du dimanche, ainsi que des logements (pour les familles nécessiteuses et les jeunes mariés).

Une deuxième salle des fêtes a été construite pour satisfaire aux besoins croissants de la communauté arménienne.

Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Vitraux vus de l'extérieur.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Vue sur le tambour, le dôme et la croix.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Croix arménienne sur le dôme.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Khatchkar (stèle à croix de pierre) érigé en 2015 en mémoire des victimes du génocide des Arméniens de 1915, dans la cour de l'église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Le père Massis Chahinian, curé de l'église.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Intérieur.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Trône et maître-autel.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Coupole octogonale.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. Vitrail.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église arménienne Sourp Nersès Chenorhali de Dehok-Nouhadra. À gauche, Vartkès Sarkissian, chef du comité paroissial. À droite, le père Massis Chahinian, curé de l'église.
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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