La cathédrale Mar Yohanna al Ma’amadan d’Ankawa

La cathédrale Mar Yohanna al Ma’amadan (Saint Jean-Baptiste), de l’Église Apostolique Assyrienne de l’Orient, se situe à 36°13’55.46″N 43°59’36.61″E et 410 mètres d’altitude, sur la commune d’Ankawa.

La construction très récente de la cathédrale Mar Yohanna al Ma’amadan (Saint Jean le Baptiste) a débuté en 2004.

Elle a été consacrée en octobre 2008 par sa Sainteté Mar Dinkha IV,  ancien patriarche de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient.

L’architecture d’apparence complexe et moderne reproduit la symbolique de l’antique Assyrie.

Plan monument

Localisation

La cathédrale Mar Yohanna al Ma’amadan (Saint Jean le Baptiste) de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient se situe à 36°13’55.46″N 43°59’36.61″E  et 410 mètres d’altitude, sur la commune chrétienne d’Ankawa[1], au nord d’Erbil[2], capitale de la région autonome du Kurdistan d’Irak.

Autrefois Ankawa était un petit village à l’extérieur de la porte nord (la porte de Amkabad) de la citadelle d’Erbil. Aujourd’hui Ankawa est intégré à la métropole d’Erbil, dont le centre de gravité demeure la citadelle et autour de laquelle la ville s’organise et se développe de manière circulaire.

Capitale de la région autonome du Kurdistan d’Irak, Erbil est une ville de plaine de plus d’un million et demi d’habitants, à 30 km à l’est du Grand Zab, un affluent du Tigre, 80 km à l’est de Mossoul et 25 km au sud de la bordure méridionale de la montagne kurde.

L’église Mar Yohanna al Ma’amadan(Saint Jean le Baptiste) est implantée dans le secteur nord d’Ankawa, en haut de la two sides, la grande artère centrale qui traverse la ville.

[1] Le toponyme Ankawa est en usage aujourd’hui. Dans Assyrie Chrétienne, vol.I, Jean-Maurice Fiey rapporte que la cité a autrefois porté le nom de « ‘Amk Ābād au temps des Persans. D’où la version ‘Amkāwa (attestée au XIVe s.), quelquefois abrégée en ‘Amko (déjà au Xe s.). Ce n’est que plus tard qu’apparaît la déformation ‘Ankāwa (XVIIIe s.), puis le moderne ‘Aïnkāwa..». Dans le toponyme Amkabad, le suffixe abad d’origine perse signifie « la résidence de… »

[2] Erbil ou Arbil

Erbil et Ankawa en surbrillance
Août 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’histoire chrétienne

Erbil, identifiée à l’antique Arbeles assyrienne, est relativement proche du lieu de supposé de la plaine de Gaugamèles où se déroula la célèbre bataille que remporta le macédonien Alexandre le Grand sur le perse Darius III en 331 avant J.C. Ancienne capitale du royaume assyrien d’Adiabène, balloté entre les empires parthe, romain et arménien, la région est connue pour avoir été au Ier siècle un des foyers juifs de Mésopotamie que les premiers Chrétiens ont sans doute cherché à convertir. « Les milieux touchés par l’évangélisation ne sont pas connus, mais il est raisonnable de penser que les premiers convertis appartiennent à la population juive alors très importante dans toute la Mésopotamie, et même au delà du Tigre, depuis la déportation de Babylone, sous Nabuchodonosor. Il est probable que les premiers efforts de conversion aient porté sur cette communauté, comme cela s’était déjà produit dans toutes les villes de l’Empire romain[1]. » Là encore les premières étapes de cette évangélisation sont réputées être liées aux missions des apôtres Thaddée, Barthélémy et surtout Thomas et de leurs disciples. La tradition rapporte que Thomas « se serait arrêté à Séleucie-Ctésiphon au cours de son voyage vers l’Inde[2]».

Au tout début du IVe siècle, l’Adiabène qui était alors la « marche » la plus méridionale du royaume d’Arménie connut une nouvelle vague d’évangélisation, après que l’Arménie devint le tout premier « état » chrétien de l’histoire, vers 301. « Probablement aussi, il y eut vers 328-329 une entrevue entre les deux seuls souverains chrétiens de l’époque : l’empereur romain Constantin Ier  et l’Arménien Tiridate III. Constantin Ier confirma le rôle de Tiridate III pour l’évangélisation de l’Orient. C’est ainsi que des missionnaires arméniens participèrent à l’évangélisation de la Mésopotamie et du royaume sassanide, comme le  relate l’historien grec Sozomène, vers 402 : « Ensuite, parmi les peuples voisins, la croyance progressa et s’accrut d’un grand nombre et je pense que les Perses se christianisèrent grâce aux importantes relations qu’ils entretenaient avec les Osroéniens et les Arméniens (…) » [3] ». Devenu siège épiscopal, Erbil la chrétienne connut l’islam avec la conquête musulmane et le califat abbasside dès la fin du VIIe  siècle, ouvrant ainsi la voie à l’islamisation de toute la région, sans interruption jusqu’à nos jours, quels que furent les conquérants seldjoukides, mongols, perses, atabegs, ottomans et kurdes.

Originellement membres de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient, les Chrétiens d’Erbil et Ankawa passèrent progressivement à l’Église chaldéenne (catholique). Ce mouvement se déroula essentiellement  au XVIIIe siècle. Le patrimoine fut transféré de la même manière d’une Église à l’autre.

Dans le dernier quart du XIXe siècle, le missionnaire dominicain français Jacques Rhétoré de passage à Erbil écrivit qu’« à part quelques familles juives, la population est toute musulmane et peut s’élever de douze à quinze mille âmes. (…) Pas un chrétien n’habite Ervil [Erbil], cependant cette ville en était peuplée dans les temps anciens et c’était la résidence d’un évêque catholique. La population chrétienne, persécutée et en butte à de continuelles vexations dans cette localité, l’a abandonnée depuis longtemps pour se concentrer non loin de là, dans le lieu où se trouve aujourd’hui le village chaldéen d’Aïncawa (…) Six prêtres dirigent cette chrétienté qui se compose d’environ deux cent cinquante familles.[4] » 

[1] In Histoire de l’Église de l’Orient, Raymond le Coz, Éditions du Cerf, 1995, p.22

[2] Id. p.21

[3] In « Arménie, un atlas historique », p.22 et carte p.23. Édition Sources d’Arménie, 2017.

[4] In « Voyage d’un missionnaire dans les provinces de Kerkouk et de Solimanié de l’empire turc », Année dominicaine, 1879. P ;492-493.

Livre liturgique
Avril 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Crosse et chandelier
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer

Les temps modernes

À l’aube du XXIe siècle et à rebours de l’histoire, la métropole d’Erbil est redevenue un pôle chrétien de première importance. La cité d’Ankawa, au nord de la métropole, a en effet accueilli des dizaines de milliers de Chrétiens venus de Bagdad, de Mossoul, de la plaine de Ninive et de Bassorah, en raison des persécutions anti-chrétiennes commises par les groupes islamico-mafieux qui ont prospéré depuis l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003. La politique d’accueil en zone kurde des Chrétiens d’Irak, mise en œuvre par le président de la région autonome du Kurdistan d’Irak Massoud Barzouni, est particulièrement visible à Erbil-Ankawa. Outre les camps de réfugiés chrétiens et yézidis, on peut citer la construction de plusieurs nouvelles et grandes églises de toutes confessions, dont la cathédrale Mar Yohanna al Ma’amadan (Saint Jean le Baptiste) de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient, l’installation durable de milliers de familles chrétiennes dans la ville, la construction d’écoles et de dispensaires administrés par les églises, la délocalisation du Babel College de Bagdad…Ces initiatives nombreuses et variées renforcent la vitalité chrétienne d’Ankawa. Cette politique  profite également aux organisations chrétiennes de solidarité internationale et aux églises du monde entier qui développent des liens fraternels avec leurs homologues à Erbil-Ankawa.

Marché à Ankawa devant le camp Ashti 2 pour les déplacés chrétiens de la plaine de Ninive
Avril 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Croix sur dôme
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Croix et évangile sur autel
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer

Histoire d’une construction

La construction très récente de la cathédrale Mar Yohanna al Ma’amadan (Saint Jean le Baptiste) a débuté en 2004. Elle a été consacrée en octobre 2008 par sa Sainteté Mar Dinkha IV, le patriarche de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient décédé le 26 mars 2015. Dans le respect de la tradition chrétienne, l’édifice est orienté vers l’est. Construite en parpaing et béton, la cathédrale est recouverte de pierres de parement ocre sculptées de croix et de symboles assyriens. Le dôme de l’édifice qui s’élève au-dessus du Saint-Autel est surmonté d’une brillante croix tréflée en bronze.

L’architecture d’apparence complexe et moderne reproduit la symbolique de l’antique Assyrie. La partie longitudinale de l’édifice est sensée reproduire l’arbre de vie assyrien au-dessus duquel trônait autrefois le dieu Assur. A l’est de l’édifice, de part et d’autre du chœur, les chambres  liturgiques latérales imitent les ailes d’Assur qui embrassait et protégeait le monde et qui symbolisent aujourd’hui les ailes qui portent l’esprit  de Dieu.

Une porte sur l’aile sud de l’édifice est utilisée par les fidèles pour pénétrer dans l’église. Elle sert indistinctement aux hommes et aux femmes. Autrefois les églises assyriennes comportaient deux entrées latérales. En amont, l’entrée des hommes leur permettait de se placer au plus près du chœur, tandis qu’en aval celle des femmes leur assignait les bancs inférieurs.

L’intérieur de l’édifice est d’une grande sobriété ornementale. Il n’y a ni fresque, ni icône. C’est une tradition, que l’on dit héritée du judaïsme qui n’autorisait pas de représentation dans les temples.

Comme dans toutes les églises orientales, les nombreuses croix de la cathédrale Mar Yohanna al Ma’amadan symbolisent la résurrection et la vie, parce que le Christ a vaincu la mort. Ce sont donc des croix glorieuses, des croix tréflées. Comme d’autres Églises orientales (copte, arménienne, éthiopienne…) l’Église apostolique assyrienne de l’Orient n’autorise pas de représentation du Christ en croix.

Une arche monumentale percée de trois portes sépare la nef où prennent place les fidèles du Saint des Saints où trône l’autel.  Au centre de cette arche,  la porte royale très imposante est surmontée d’un beau tympan.  Il s’agit d’une forme de représentation de la beauté du Ciel sur terre. Les bas-reliefs qui y sont sculptés représentent le pain et le vin. Ils sont enrichis d’une profusion de motifs floraux et végétaux, entourant une croix glorieuse surmontée de la colombe de l’Esprit Saint. Cette sculpture de marbre ornée de dorures éclatantes est ajourée à certains endroits afin de permettre son illumination et de faire écho, dans la liturgie comme dans la spiritualité orientale, au Christ lumière du monde. Une prière dédicatoire est également écrite en langue syriaque. On peut y lire : « L’église avec des voix saintes glorifie le Dieu de la création ».

De part et d’autre de la porte royale, deux portes latérales élevées et étroites fermées par des rideaux rouge, ouvrent sur deux alcôves. Celle de droite est le lieu du baptême des petits enfants. Celle de gauche, la sacristie, le beth gaza en syriaque (ce qui signifie trésor) est destinée aux  vêtements liturgiques des serviteurs, prêtres et sous-diacres.

Tout est symbole dans l’architecture liturgique. Ainsi, lorsque les rideaux des portes saintes sont ouverts, les lumières doivent avoir été allumées, car la lumière du Christ vient illuminer les fidèles.

Au fond du chœur, le maître-autel est adossé au mur dans le respect de la tradition primitive, afin que les célébrants et les fidèles prient ensemble tournés vers Dieu.

Au milieu de l’église, un pupitre sur lequel est posée une croix de bois symbolise l’ancienne chaire, le bima[1] en syriaque, symbole de Jérusalem, où le célébrant prononçait autrefois l’homélie. Dans les églises modernes, la chaire est remplacée par un lutrin haut avec une croix posée dessus situé au milieu de l’assemblée des fidèles.

[1] bima ou bīm

Plan de la cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Porche d'entrée du domaine
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Façade ouest
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Aile sud
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Vue sur l'abside
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Abside
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Toiture
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Nef et sanctuaire
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Motifs ornementaux sur le tympan de la porte royale
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Motifs ornementaux sur le tympan de la porte royale
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Autel
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Golgotha
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer
Cathédrale Mar Yohanna al Ma'amadan d'Ankawa. Monseigneur Abris Youkhanna, évêque assyrien de l'Église de l'Orient d'Erbil
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer

Contribuez à la sauvegarde de la mémoire des monuments.

Photos de famille, vidéos, témoignages, partagez vos documents pour enrichir le site.

Je participe