Église chaldéenne Mar Addaï de Karamlesse
L’église Mar Addaï de Karamlesse se situe à 36°18’21.66″N 43°24’53.24″E et 284 mètres d’altitude près du couvent de Sainte Barbe.
L’église Mar Addaï se trouve dans le centre de Karamlesse, à 400 mètres à l’est du célèbre couvent de Saint Barbe. C’est l’église moderne de Karamlesse, construite (reconstruite ?) au tout début des années 60. Il est tout à fait probable qu’une église au nom de Mar Addaï préexistait à Karamlesse. Des reliques attribuées à Mar Addaï, y ont été découvertes en 1881.
L’église Mar Addaï de Karamlesse porte le nom d’un des grands évangélisateurs de la Mésopotamie, disciple de Saint Thomas l’apôtre, et connu comme le fondateur de l’Église d’Edesse (aujourd’hui Ourfa, en Turquie).
Le martyrion de l’église Mar Addaï de Karamlesse abrite la tombe du prêtre chaldéen Raghed Ghanni et celles de ses 3 diacres, assassinés par un gang de tueurs masqués, le 3 juin 2007, devant l’église du Saint Esprit de Mossoul.
Le 14 mars 2008, les obsèques de l’archevêque chaldéen de Mossoul-Ninive, Monseigneur Paulos Faraj Raho, se déroulèrent en l’église Mar Addaï de Karamlesse où il fut enterré. Ses funérailles réunirent des milliers de personnes et eurent un immense retentissement.
Visite de la délégation Pax Christi. Église Mar Addaï de Karemlesse. 13 Février 2008 © Pascal Maguesyan
Localisation
L’église Mar Addaï de Karamlesse se situe à 36°18’21.66″N 43°24’53.24″E et 284 mètres d’altitude, à 400 mètres à l’est du Couvent de Sainte Barbe.
Karamlesse, autrefois connue pour son grand souq, se trouve sur la route qui relie Qaraqosh, 5 km au sud, à Bartella, 10 km au nord.
Toponymie
Plusieurs sources sont proposées pour interpréter le nom du village. L’une d’elles renverrait aux mots araméens Karam lét, qui, selon Yaqout al Roumi, voyageur et encyclopédiste du XIIIe siècle, signifieraient « sans vigne ».
L’orientaliste dominicain Jean-Maurice Fiey y voit une autre explication : « le nom de Kar-méš est assyrien, il signifie le village détruit ou les dépôts et apparaît dans les tablettes de Balawat.»[1]
[1] Assyrie Chrétienne, p.400, Jean-Maurice Fiey
Fragments d’une histoire antique
On identifie souvent Karamlesse avec le lieu de la bataille de Gaugamèle qui opposa les armées d’Alexandre le Grand et de Darius III en 331 av. J.-C. Pour le géographe Vital Cuinet, « il est très probable que c’est au nord de Caramless, à partir de ce village jusqu’au Ghazir qu’a eu lieu la bataille (…) La plaine y est extrêmement unie, la cavalerie persane a pu facilement s’y développer[1]». Jean-Maurice Fiey remet en cause cette identification géographique et soutient qu’une « meilleure étude des textes, et surtout la localisation du pont sur le Zab emprunté par les belligérants après le combat, reporte le lieu de la victoire d’Alexandre beaucoup plus vers le nord [2] ».
_______
[1] La Turquie d’Asie, Tome deuxième, Ernest Leroux éditeur, 1891, p.830
[2] Assyrie Chrétienne, p.401, Jean-Maurice Fiey
Fragments d’une histoire chrétienne
La christianisation de Karamlesse semble avoir été assez précoce. Dès 562 les habitants de Karamlesse« aidèrent à la construction du couvent de Bar’Éta, dans la vie duquel il est appelé Karamlaiss le Grand »[1].
Karamlesse, comme toutes les cités chrétiennes de Mésopotamie, subit toutes sortes d’attaques et de destructions. Ainsi en 1235, rapporte Bar Hebraeus, maphrien syriaque-orthodoxe, savant et écrivain du XIIIe siècle, rapporte que les Mongols assiégèrent Karamlesse. « Les habitants s’enfuirent à l’église que les Mongols encerclèrent. Deux nobles se placèrent aux portes de l’église. L’un d’eux épargnait et laissait la liberté à ceux qui sortaient par sa porte, l’autre passait au fil de l’épée les hommes, femmes et enfants qui passaient par la sienne. »[2] Cet épisode fit l’objet de poèmes et de complaintes qui perdurent jusqu’à nos jours.
Dans la première moitié du XIVe siècle, le chroniqueur Ibn ‘Abd ul Haq rapporta que les habitants de Karamlesse étaient tous chrétiens. En 1743 l’empereur persan Nâdir Châh attaqua, pilla et ruina le village, comme il le fit dans toute la région. La peste affecta également Karamlesse plus d’une fois. En 1828 notamment. C’est ce qu’atteste une lettre de Mgr Pierre-Alexandre Coupperie, évêque de Babylone et consul de France, datée du 29 août et citée dans la revue Missions Dominicainesen 1927[3]. Il y écrivit que « La famine, la guerre civile et la peste surtout ont anéanti au moins la moitié de la population chrétienne de Mossoul et dans le Kurdistan. », ce qui incluait de fait Karamlesse. Ce fléau ne fut sans doute pas le premier du genre, puisqu’il frappa Mossoul en 1737/38, mais aussi Qaraqosh toute proche en 1773.
Les Chrétiens de Karamlesse originellement membres de l’Église de l’Orient (l’Église de Perse) rejoignirent progressivement l’Église chaldéenne. Sainte Barbe de Karamlesse est d’ailleurs connue pour avoir été la première église chaldéenne d’Irak.
À son époque, Jean-Maurice Fiey y recensa 2100 habitants, majoritairement chaldéens ainsi qu’une minorité syriaque-orthodoxe de 35 familles. Il put aussi y signaler une présence apostolique arménienne.
Un des premiers chroniqueurs européen à relater le couvent Sainte Barbe fut le médecin et explorateur anglais Edward Ives, originaire de Titchfield dans le Hampshire[4]. Le 2 juillet 1758, il arriva à Karamlesse, d’où il rapporta le récit des habitants d’une destruction par des pillards persans des murs du couvent afin d’y chercher de l’or[5]. Sur place, Edward Ives fit l’acquisition d’un lectionnaire conservé au British Museum.[6] 7 ans plus tard, le père dominicain Domenico Lanza vint en 1765 y célébrer la messe.
________
[2]Assyrie Chrétienne, p.402, Jean-Maurice Fiey
[3]Missions Dominicaines, p.36 s.
[4]« A Voyage from England to India, in the Year MDCCLIV: Also, a Journey from Persia to England, by an unusual route ».
Histoire de l’église Mar Addaï de Karamlesse
On compte à Karamlesse plusieurs églises. On y trouve le couvent de Sainte Barbe (è voir notice), les ruines d’un couvent du Ve siècle au nom de Mar Guorguis, une église au nom d’Al Tahira (la Toute Pure, c’est à dire la Vierge Marie) et l’église Mar Addaï.
On ne dispose que de peu d’informations sur l’église Mar Addaï. Considérée comme l’église moderne de Karamlesse, elle fut construite (reconstruite ?) au tout début des années 60, rénovée plusieurs fois, saccagée par daesh et réhabilitée en 2017.
Il est tout à fait probable qu’une église au nom de Mar Addaï préexistait à Karamlesse avant l’actuelle église. Des reliques attribuées à Mar Addaï, y ont été découvertes en 1881. C’est ce qu’écrit en 1891 le géographe Vital Cuinet : « On a trouvé il y a dix ans dans une vieille église de Caramless, vaste et bien bâtie, une petite boîte en bois recouverte de plaques en fer et enduite de bitume, contenant de précieuses reliques avec une inscription chaldéenne qui en atteste l’authenticité et les attribue à saint Addée et à saint Ischo. Cette boîte contenait aussi une fiole remplie de sang.[1] »
_______
[1] in « La Turquie d’Asie », Tome deuxième, Paris, Ernest Leroux, Éditeur, 1891. P.830
À propos de Mar Addaï
L’église Mar Addaï de Karamlesse porte le nom d’un des grands évangélisateurs de la Mésopotamie avec son compagnon Mari. Disciple de Saint Thomas l’apôtre, Addaï est aussi connu comme le fondateur de l’Église d’Edesse (aujourd’hui Ourfa, en Turquie). De nombreuses sources assimilent Addaï avec Thaddée, l’un des apôtres du Christ, connu pour avoir évangélisé l’Arménie et dont l’Église arménienne indique qu’il fut martyrisé à Maku, en Perse (nord-ouest de l’Iran). D’autres sources, tout aussi nombreuses, voient en Addaï l’un des 72 disciples du Christ dont parle l’Évangile de Luc (10, 01): « Après cela, parmi les disciples le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre ».
Mar Addaï : une église de martyrs contemporains
Le martyrion de l’église Mar Addaï de Karamlesse abrite la tombe du prêtre chaldéen Raghed Ghanni et celles de ses 3 diacres, assassinés par un gang de tueurs masqués, le 3 juin 2007, devant l’église du Saint Esprit de Mossoul.
Le 14 mars 2008, les obsèques de l’archevêque chaldéen de Mossoul-Ninive, Monseigneur Paulos Faraj Raho, se déroulèrent en l’église Mar Addaï de Karamlesse où il fut enterré. Il avait été kidnappé à Mossoul, dans le quartier al Nour, le 29 février 2008. Ses deux gardes du corps furent tués au cours de cet enlèvement. Le corps sans vie gisant à terre de l’archevêque martyr fut retrouvé le 13 mars dans le quartier al Intissar de Mossoul.
Ses funérailles à Mar Addaï de Karamlesse réunirent des milliers de personnes et firent l’objet d’une multitude de correspondances : « Le cercueil porté en triomphe par des diacres et des prêtres, est précédé d’un portrait géant que porte une religieuse et deux évêques (…). Suit une foule considérable en deuil, composée de prêtres, diacres et fidèles.
Les youyous des femmes se mêlent aux pleurs et aux larmes (…) A l’issue d’une cérémonie religieuse émouvante, l’enterrement a lieu en l’église même [1] ». Depuis lors, son cercueil a été transporté à l’église Saint Paul de Mossoul.
________
[1] In « Peuples du Monde », n° 422, Avril 2008. Article de Joseph Alichoran, P.38-39
Description de l’église Mar Addaï de Karamlesse
Le domaine dans lequel se trouve l’église est entouré d’un mur et fermé par un portail métallique à croix.
Plusieurs entrées permettent de pénétrer dans l’église, en façade et sur les côtés. L’église présente un style néo-traditionnel. L’édifice, bâti en pierres et béton armé, est de type basilical à triple nef et quatre travées, supporté par des piliers libres et lisses. La nef est surmontée d’une voûte en berceau plein-cintre. Les bas-côtés sont couverts par une toiture à terrasse. Un clocher élevé et totalement ajouré se dresse au sud-ouest sur la terrasse du bas-côté droit près de l’entrée principale.
Le sanctuaire vaste, légèrement surélevé et totalement ouvert, est accessible après être passé sous une grande arche ornée d’un tableau de Mar AddaÏ.
Un maître-autel à degrés en marbre est pratiquement adossé sur le mur de l’abside. En son centre se trouve le tabernacle. Il évoque l’architecture sacrée de l’Église de l’Orient, tandis qu’une table liturgique en marbre, au milieu du sanctuaire, est employée par les prêtres pour célébrer face au peuple.
Au dessus du sanctuaire, un dôme hémisphérique à tambour est percé de baies vitrées qui laissent entrer une lumière abondante.
De part et d’autre du sanctuaire, les bas-côtés sont équipés d’autels en marbre à degrés. Au sud, l’autel consacré à Marie est surmonté d’une grande statue de la Vierge de Lourdes. Au nord, l’autel consacré au Sacré-Cœur de Jésus comprend également sa statue.
Saccagée, profanée et partiellement incendiée par daesh, l’église Mar Addaï a été restituée à la communauté chaldéenne en novembre 2016, après la défaite de l’organisation islamico-mafieuse.
On trouvait avant guerre aussi dans le domaine de l’église Mar Addaï de Karamlesse, des bâtiments fonctionnels répartis autour d’une cour intérieure arborée et notamment un petit musée ainsi qu’une école tenue par les sœurs de la congrégation chaldéenne des Filles de Marie.
Fraternité à Mar Addaï
Le 13 février 2008, l’église Mar Addaï de Karamlesse accueillit la délégation de Pax Christi, conduite par Monseigneur Marc Stenger, évêque de Troyes et président de Pax Christi France. Monseigneur Paulos Faraj Raho, l’archevêque chaldéen de Mossoul-Ninive, les y accueillit, en présence d’une foule nombreuse et joyeuse qui brandissait sur le parvis de l’église des branches de palmiers en signe de bienvenue.
10 ans plus tard, le 24 juillet 2017, une délégation d’évêques de France, conduite par le cardinal et archevêque de Lyon, Philippe Barbarin, et en présence de Monseigneur Marc Stenger, évêque de Troyes et de Monseigneur Michel Dubost, évêque d’Evry, vint prier à Karamlesse, au couvent Sainte Barbe, puis à l’église Mar Addaï. Cette visite consolida les liens fraternels entre Chrétiens de France et d’Irak et visait à encourager les efforts des familles chaldéennes déplacées pour revenir vivre dans leur village de Karamlesse.
En juillet 2017 également, une nouvelle statue de la Vierge de Lourdes, offerte par l’Œuvre d’Orient à l’église Mar Addaï de Karamlesse fut installée au pied de son autel, en remplacement de celle que détruisirent les occupants islamistes.
Actualité de l'église Mar Addaï
Depuis la libération de Karamlesse, l’église Mar Addaï a été rénovée et même embellie. À l’intérieur, dans l’épaisseur du mur du bas-côté nord de la nef, on trouve à présent un mémorial qui contient des objets témoins des destructions commises par daesh. À l’extérieur, le clocher n’a pas été réparé et témoigne également des outrages commis.
Faute de pouvoir résider à Mossoul, le nouvel archevêque chaldéen de Mossoul et Akra, Monseigneur Najeeb Michaeel, est installé à Karamlesse. L’église Mar Addaï est de fait la cathédrale de l’archevêché.
La galerie du monument
les monuments
à proximité
Contribuez à la sauvegarde de la mémoire des monuments.
Photos de famille, vidéos, témoignages, partagez vos documents pour enrichir le site.
Je participe