Les mausolées yézidis de Mam Chevan

Les mausolées yézidis de Mam Chevan se situent à 36°48’21.6″N 42°46’19.8″E et 370 mètres d’altitude, dans un cimetière et sur une colline qui surplombe à 3 km au nord-ouest la ville de Khanek

Les mausolées de Mam Chevan sont réunis dans un même espace sacré. Ils sont très proches les uns des autres et entourés de sépultures yézidies.

Bien entretenus, ils sont visités en nombre par les pèlerins yézidis de la région mais aussi et surtout par les déplacés du Sindjar installés en contrebas dans le camp et dans la ville de Khanek, ce qui confère à cet ensemble patrimonial un regain d’intérêt et de fréquentation.

Mam Chevan est connu dans la tradition yézidi comme un berger. Il est ici représenté en bas-reliefs par son bâton et ses moutons.

À propos de cette notice

Le texte de cette notice a été établi par le Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül, historienne de l’art, spécialiste de patrimoine et culture yézidis. Attachée à l’Université de Paul Valéry Montpellier III et l’IFEA Istanbul comme chercheuse associée, le Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül est l’auteure d’une thèse de doctorat : « Patrimoine des Yezidis : Architecture et sculptures funéraires en Irak, en Turquie et en Arménie »présentée en 2006 à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne(département de l’art islamique et de l’archéologie).  Cette thèse dresse un inventaire documenté de 88 monuments (sanctuaires, mausolées, baptistaires, oratoires, caravansérails, ponts et grottes) et de 60 sculptures funéraires (en forme de cheval, de bélier, de brebis et de lion) en Irak du nord, en Turquie et en Arménie. Thèse publiée par I.B.Tauris (Londres, New York), 2010. Ce texte est complété par les observations et interviews de l’équipe de Mesopotamia [Pascal Maguesyan, Shahad al Khouri, Sibylle Delaître (KTO)]  avec le concours de Mero Khudeada.

Localisation

Tout près de la rive orientale du Tigre, à moins de 5 km à l’est du barrage de Mossoul, les mausolées yézidis de Mam Chevan se situent dans la province de Dehok-Nouhadra au nord-ouest la région autonome du Kurdistan d’Irak.

Au sommet d’une colline qui surplombe à 3 km au nord-ouest la ville de Khanek, les mausolées yézidis de Mam Chevan se situe à 36°48’21.6″N 42°46’19.8″E et 370 mètres d’altitude.

Dehok-Nouhadra, où se trouve le siège du Centre Culturel et Social Yézidi de Lalesh est à 27 km à l’est. Le grand centre spirituel yézidi de Lalesh est à 73 km à l’est. Mossoul est à 88 km au sud.

Cimetière et mausolées yézidis de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

À propos des Yézidis d’Irak

Majoritairement implantés dans la région autonome du Kurdistan d’Irak et dans la plaine de Ninive, leur berceau géographique, les Yézidis sont également présents en Turquie, en Syrie et dans le Caucase, particulièrement en Arménie et en Géorgie. Généralement considérés comme des Kurdes non islamisés, ce qui est sans doute simpliste voire inexact si l’on se fie à leurs origines mythologiques, souvent diabolisés en raison de leur culte, les Yézidis constituent une communauté dont il est bien difficile d’estimer les sources historiques et le nombre.

Minorisés à l’extrême en Irak sous différents régimes, leur existence était presque niée. Avant 2003, Bagdad n’en comptait officiellement que quelques milliers alors qu’ils étaient plus vraisemblablement quelques centaines de milliers !

Les conditions d’une tentative de génocide étaient déjà réunies avant même que les djihadistes de daesh ne les massacrent et ne les enlèvent en août 2014 dans les montagnes du Sinjar de la province de Ninive.

Malgré la reprise de Sinjar en novembre 2015 par les forces irakiennes et par des groupes de résistants coalisés, une partie importante des 500 à 600 000 Yézidis irakiens reste encore déplacée.Les persécutions qu’ils ont subi leur font redouter l’avenir en dépitdes garanties constitutionnelles qui leurs ont été accordées en 2005.

Carte des régions, villes et villages yézidis dans le nord et le kurdistan d'Irak
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III

Enracinement territorial du yézidisme

Le Yézidisme est né dans un territoire montagneux où ses habitants étaient protégés par ses hauteurs et ses cavernes. Considéré comme sacré par les Yézidis, ce territoire est globalement divisible en deux régions distinctes, à l’est et à l’ouest du Tigre le grand fleuve mésopotamien. À l’ouest Sindjar, sa ville, ses villages et son massif. À l’est le centre spirituel de Lalesh, auquel il convient d’ajouter les importants secteurs de Cheikhan, Bozan, Bashiqa et Bahzani. La très grande majorité de la population yézidie (clergé inclus) est originaire de ces régions, bien qu’il soitaussi possible de trouver des communautés yézidies éparpillées au-delà de ce territoire.

Des siècles durant, les Yézidis ont sauvegardé leurs coutumes et traditions dans ce pays, ce terroir. Cette survivance a été cruellement remise en cause à l’ouest du Tigre dans la région de Sindjar, par l’offensive dévastatrice de daesh en août 2014. Le niveau des destructions et la gravité des crimes génocidaires commis ont fragilisé à l’extrême les communautés yézidies des monts Sindjar qui formaient autrefois la très grande majorité de la population yézidie irakienne.

Cimetière et mausolées yézidis de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Territoire, histoire et patrimoine

C’est sur ce territoire, de part et d’autre du Tigre, que les Yézidis ont su préserver et développer les spécificités architecturales de leurs édifices religieux qui constituent les principaux lieux de culte des fidèles yézidis.

Ces édifices sont pour la plupart dédiés aux premiers disciples du réformateur du yézidisme au XIIesiècle, Cheikh ‘Adî, les membres de la famille de Chamsani, et à des familles comme Hasan Maman, Memê Rech et Cerwan, ainsi que les premiers chefs religieux de la communauté, descendants de Cheikh ‘Adî (les membres de la famille Adani) et quelques mystiques soufis importants qui ont influencé l’enseignement de Cheikh’ Adî, à savoir, Abd al-Qadîr al-Jilani, al-Hallaj et Qedib al-Ban (Qadî Bilban).

Il ne faudrait pourtant pas en conclure que le yézidisme est une religion d’origine médiévale. La rareté des sources théologiques et historiques disponibles est en effet compensée par une tradition et une mythologie anciennes, omniprésentes et évolutives. Ainsi, les yézidis voient en Noé l’un de leurs plus anciens et de leurs plus illustres patriarches. Ils soutiennent même qu’il vécut en Mésopotamie irakienne, à Aïn Sifni (Cheikhan), où il construisit son arche. Des historiens yézidis soutiennent que « la religion yézidie est très ancienne. Elle remonte à 3500 ans avant Jésus-Christ[1] ».

Les Yézidis disposent de lieux de culte et de prières assez hétéroclites, tels que des cimetières, des mausolées (mazar)dont certains plus importants que d’autres (khas/ mêr),des oratoires de feu (nîshan), la maison d’un Cheikhou d’un Pîr, un arbre, un buisson, une forêt d’oliviers, un pont, une arche, une grotte, une pierre sacrée (kevir),une source (…). Ces monuments, cesstructures et ces sites, dédiés aux « saints » yézidis, constituent une partie importante de l’environnement culturel des zones yézidies et sont des signes matériels tangibles du système général de la spiritualité yézidie.

Il existe cependant un lieu fondamental vers lequel se tournent tous les Yézidis, y compris ceux de la diaspora, c’est la vallée de Lalesh au Kurdistan irakien. C’est l’endroit le plus sacré du yézidisme. C’est là que se trouve le sanctuaire de Cheikh ‘Adî, le grand réformateur du yézidisme au XIIesiècle. Cette vallée, ses mausolées et son environnement sont le centre de gravité de la vie mystique yézidie.

Les édifices yézidis ont été construits à différentes époques. Le manque d’inscriptions et de sources historiques rend difficile leur datation avec précision. La mauvaise qualité de certaines restaurations récentes ajoute à la complexité de l’analyse. D’autre part, il ne semble pas exister de styles architecturaux qui distingueraient différentes périodes de l’histoire yézidie et qui pourraient aider à dater ces édifices. Par ailleurs, le même style, dérivé d’un modèle particulier, a été utilisé à plusieurs reprises au cours des siècles et est toujours en vogue.

[1]Chamo Kassem, inspecteur des écoles yézidies, spécialiste de la religion et de l’histoire yézidie, responsable culture et médias au Centre Culturel et Social de Lalesh à Duhok.

Mausolées yézidis de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Mausolée yézidi de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Iwan d'un mausolée yézidi de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Dôme conique, flèche et étoffes d'un mausolée yézidi de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Flèche et étoffes d'un mausolée yézidi de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments de spiritualité et de théologie yézidies

Le yézidisme est une religion de tradition et de transmission orale, simple et complexe à la fois. Simple parce qu’il n’est pas réglé par une liturgie et des dogmes contraignants. Complexe parce qu’il n’existe pas de grand livre théologique fondamental, comme il existe la Torah, les Évangiles ou le Coran. Les Yézidis possèdent deux livres sacrés : le livre de la révélation « Kitêb-i Cilvê », et le livre noir « Mishefa Reş».

Le yézidisme est une religion strictement communautaire (nationale). On naît yézidi, on ne le devient pas. Il n’y a donc ni évangélisation, ni inculturation, ni prosélytisme. Ceci étant, le yézidisme n’est pas sectaire. Bien au contraire, l’altruisme est une vertu cardinale, un fondement spirituel et théologique. Tout chercheur qui voudrait ainsi étudier le yézidisme serait accueilli avec bienveillance par cette communauté et son clergé[1].

Le yézidisme est monothéiste. Dieu est unique. Il est le créateur du cosmos et de la vie.  Le yézidisme nourrit en cela la même croyance que les 3 religions du Livre : le judaïsme, le christianisme, l’islam.  Et même le zoroastrisme[2].

Dieu est lumière. Il est tel le soleil qui rayonne sur la Terre. C’est pourquoi les yézidis prient systématiquement face au soleil. En cela, le yézidisme est comparable au zoroastrisme mésopotamien et persan.

Dieu est bon, infiniment bon. C’est pourquoi les yézidis cultivent l’altruisme et prient systématiquement d’abord pour le monde et ensuite pour eux-mêmes.

Dieu est en tout et partout. Le yézidisme fait corps et esprit avec l’ensemble de la Création :cosmique, humaine, animale, végétale, et minérale. C’est pourquoi les yézidis sacralisent les oliviers dont l’huile est nécessaire pour le feu sacré. De même, l’ange paon (tawus melek)est le plus important des 7 anges (melek)qui représentent Dieu sur terre.

Le yézidisme croit au jugement des âmes et au jugement dernier. Il se distingue toutefois du christianisme par sa croyance en la réincarnation. Les défunts sont mis en terre. Les âmes sont jugées, selon le bien accompli et le mal commis. Les âmes pures peuvent devenir des êtres de lumière. Les âmes impures peuvent se réincarner sous des formes humaines ou animales dépréciées ou belliqueuses.

[1]« Jean-Paul Roux, décédé en juin 2009, ancien chercheur au CNRS et titulaire de la section d’art islamique à l’École du Louvre, considérait le yézidisme comme ‘’une religion à part, syncrétisme évident de traditions populaires et de réminiscences de dogmes des grandes religions’’ ». La croix, Claire Lesegretain, 26 avril 2010.

[2]Né en perse, fondé par Zarathoustra (Zoroastre), au Iermillénaire avant J.C., le zoroastrisme est monothéiste et reconnait en Ahura Mazdâ le Dieu unique. Le zoroastrisme constitue en cela une réforme fondamentale par rapport au mazdéisme dont il s’inspire. Le mazdéisme, polythéiste, considère Ahura Mazdâ, comme le dieu principal mais pas le Dieu unique.  Cette religion persane se répandit jusqu’en Inde par l’intermédiaire du védisme.

Mausolée yézidi de Mam Chevan avant le crépuscule. Tout yézidi prie face au soleil, lumière de Dieu
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Pratiques cultuelles yézidies

Les pratiques cultuelles yézidies ne semblent pas réglées par une « liturgie » stricte, mais par un ensemble de rites traditionnels et de pratiques votives transmises oralement de génération en génération

Les Yézidis prient en général individuellement, et se réunissent aussi en communautés devant leurs temples et sanctuaires pour écouter les qawals, tout à la fois musiciens, chantres et gardiens du culte yézidi, dont le savoir et les pratiques se transmettent de père en fils.

La prière quotidienne, toujours tournée vers le soleil, lumière de Dieu (Khoda), n’est pas une obligation et n’est pas non plus un signe pour être un « bon Yézidi ». Cependant, les personnes pieuses et âgées prient régulièrement, jusqu’à 5 fois par jour.

Embrasser les lieux saints et les mains des figures pieuses, offrir des cadeaux aux religieux, sacrifier des animaux, nouer et dénouer des étoffes sur des arbres à vœux, sont des signes de respect et de dévotion.

De tous les jours de la semaine, le mercredi est le plus important. Il est comme le dimanche pour les Chrétiens, le samedi pour les juifs ou le vendredi pour les musulmans. C’est le mercredi que sont organisées les grandes célébrations hebdomadaires au cours desquels les religieux yézidis allument le feu sacré dans les mausolées.

4 grandes fêtes annuelles rythment le calendrier religieux yézidi. La première est celle du Nouvel An (ser sal) le premier mercredi du mois d’avril. Cette fête symbolise la création de la vie à partir du chaos initial et la venue de Tawus melek. À cette occasion, les œufs, symbole de la terre originelle et sans vie, sont bouillis et teintés. Certains de ces œufs sont écrasés au dessus des portes des maisons et des mausolées en y joignant des petites fleurs rouges.

Une autre grande fête annuelle est celle du Printemps (towaf),  dont la date est mobile entre le 12 et le 20 avril. Enfin, le pèlerinage sur la tombe de Cheikh Adî, au sanctuaire de Lalesh(djamaiya) a lieu le 6 octobre.

Stèle funéraire yézidi avec représentation du soleil, lumière de Dieu, dans le cimetière de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Le mausolée à dôme conique : une architecture yézidie typique

Le mausolée à dôme conique et à rayons est un monument emblématique de l’art sacré yézidi. D’une grande sobriété architecturale et ornementale, ce type d’édifice est fondé sur une structure cubique qui contient la sépulture ou le cénotaphe, couverte par une dalle que porte un tambour au dessus duquel se dresse un dôme conique à multiples arêtes. Cette voûte symbolise les rayons du soleil qui illuminent la terre et l’humanité.

La pointe de ce dôme est systématiquement rehaussée d’une flèche de bronze, formée d’une ou plusieurs boules, surmontée d’un anneau, d’un croissant de lune, d’un astre voire d’une main, où sont nouées des étoffes de couleurs. La flèche représenterait le monde cosmique, les planètes, le soleil et les étoiles créés par Dieu.  Les étoffes de couleur figureraient celles de l’arc en ciel[1].

L’intérieur d’un mausolée yézidi est souvent constitué d’une chambre séparée où repose un sarcophage recouvert de soieries. On peut aussi y trouver une ou plusieurs niches percées dans le mur pour y brûler l’encens et allumer le feu sacré. On y trouve également souvent des étoffes nouées par les pèlerins pour formuler leurs vœux.

L’espace sacré de tout mausolée yézidi inclut la dalle qui le précède ou qui l’entoure. C’est pourquoi tout visiteur et tout pèlerin doit y être déchaussé.

[1]Cette interprétation peut varier d’une communauté à l’autre.

Cimetière et mausolées yézidis de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Les mausolées yézidis de la province de Dehok-Nouhadra

À proximité immédiate de Khanek, Mam Chevan compte parmi les mausolées importants de la province du Kurdistan d’Irak de Dehok-Nouhadra, où l’on trouve également d’autres sanctuaires yézidis à Kabartu, Dere Bûn et Shari’a.

Dans les années 1970, les habitants de sept villages montagnards yézidis situés dans le sud de la province de Duhok ont été déplacés et rassemblés dans un nouveau village collectif appelé Shari’a. Ces déplacements et regroupements de populations yézidies au sein de villes collectives ont également eu lieu en 1985 en marge de la répression militaire dans le Kurdistan d’Irak.

Mausolées yézidis de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Démographie yézidie à Mam Chevan /Khanek

La proximité des mausolées de  Mam Chevan avec la ville de Khanek entretient une certaine confusion entre les deux lieux, d’autant plus que la bande de 3 km qui les sépare est occupée par un camp de déplacés yézidis du Sindjar. Les mausolées de Mam Chevan peuvent ainsi apparaître comme les espaces sacrés des yézidis de Khanek.

Concrètement, les données statistiques présentées dans cette notice considèrent Mam Chevan et Khanek comme un même et unique espace.

Avant l’offensive de daesh à Sindjar et dans la plaine de Ninive en août 2014,  on comptait 23 000 Yézidis  à Khanek / Mam Chevan[1]. Le 8 août 2014, la ville a été évacuée de crainte que les combattants djihadistes ne s’en emparent. Les Yézidis ont alors trouvé refuge dans l’agglomération de Dehok-Nouhadra, avant de revenir 10 jours plus tard après que tout danger fut écarté. Quelques milliers de Yézidis ont néanmoins choisi de quitter le pays et ont pris le chemin de l’exil, vers l’Allemagne essentiellement. Les responsables yézidis locaux évoquaient (en juin 2018) le chiffre de 15 000 à 20 000 yézidis à Khanek.

D’autre part 70 000 yézidis contraints de fuir Sindjar en août 2014 ont été installés dans un camp de déplacés en lisière de Khanek et notamment le long de la route qui conduit aux mausolées de Mam Chevan. En Juin 2018, ils étaient encore16 000 yézidis à l’intérieur de ce camp et 6000 à l’extérieur[2].

Cette situation chaotique hypothèque l’avenir des yézidis irakiens, mais renforce aussi pour beaucoup leur attachement à leur identité et à leur foi.

[1]Données collectées par les représentants de Mesopotamia, à Khanek / Mam Chevan, le 7 Juin 2018. Ce chiffre semble faire débat.

[2]Données collectées par les représentants de Mesopotamia, à Khanek / Mam Chevan, le 7 Juin 2018

Un déplacé yézidi de Sindjar à Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Un yézidi de Kkanek devant le mausolée Cheikh Babik de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Les mausolées yézidis de Mam Chevan

Les mausolées de Mam Chevan sont réunis dans un même espace sacré. Ils sont très proches les uns des autres et entourés de sépultures yézidies. Ils présentent des caractéristiques architecturales variées et complémentaires. Bien entretenus, ils sont visités en nombre par les pèlerins yézidis de la région mais aussi et surtout ces dernières années par les déplacés du Sindjar installés en contrebas dans le camp et dans la ville de Khanek, ce qui confère à cet ensemble patrimonial un regain d’intérêt et de fréquentation.

Mam Chevan qui donne son nom à cet espace sacré est connu dans la tradition yézidi comme un berger. Il est ici représenté en bas-reliefs par son bâton et ses moutons.

Le Mausolée de Cheikh Abû Bekir : Ce mausolée est situé dans le cimetière de Mam Chevan. Il se trouve au sud-est des mausolées des Cheikh Sîn et Chams. Nous connaissons deux Cheikh Abû Bekir dans l’histoire des Yézidis, mais nous ne savons pas à quel cheikh appartient ce mausolée.

À Lalesh, les portes d’entrée des mausolées de Cheikh Nasral-Dîn et Cheikh Chams, datés du XIVesiècle, sont ornés de bas-reliefs de serpent et de lions. Ils sont comparables aux représentations que l’on trouve sur la porte du mausolée de Cheikh Abû Bekir à Mam Chevan. Cette comparaison autorise sa datation possible au XIVesiècle.

Le mausolée de Cheikh Abû Bekir présente un plan rectangulaire, sans couverture, et orienté nord-sud, à l’avant duquel une cour intérieure contient un grand eucalyptus. En façade ce mausolée est fait de 5 niveaux de pierres de taille surmontés d’un large bandeau pierres grossières que l’on devine de construction récente. Une sorte d’antichambre se trouve au nord qui est également de forme rectangulaire orientée est-ouest. Le mur ouest comporte une niche en forme de  mihrâb. Son arc est brisé. Une porte rectangulaire qui est au milieu du mur sud communique avec la partie principale au sud. Un serpent vertical peint en noir,symbole de sagesse dans la tradition yézidie et sauveur de l’arche de Noé, se trouve sur le pied-droit gauche de cette porte. Un lion et un taureause font face sur le linteau en bas-relief.

Le Mausolée de Cheikh Sîn :Il se trouve derrière le mausolée de Cheikh Chams. Cheikh Sîn est un autre nom de Cheikh Fexral-Dîn (on dit aussi Hassan al Adani). Il est un des quatre fils d’Êzdîna Mîr, le frère de Cheikh Chams et un des sept anges des Yézidis. Cheikh Sîn est identifié à l’ange Nura’îl. Nous supposons qu’il a vécu au XIVesiècle. D’ailleurs, le plan de l’édifice est le type souvent utilisé à cette époque-là.

Il présente un plan carré de dimensions 3,0 x 3,10 m, à l’avant duquel a été construit un préau. Une porte rectangulaire démise sur sa façade mène à l’intérieur. Une inscription, au dessus de la porte d’entrée du mausolée porte les dates 1193-1246. Le mausolée est surmonté d’un dôme conique à rayons, typique de la tradition architecturale yézidie, monté sur un tambour à deux niveaux, d’abord octogonal puis circulaire. L’ensemble de l’édifice a été rénové (renouvelé) ces dernières années.  Des inscriptions sont gravées sur sa façade principale en langue « yézidie » et arabe.

Le Mausolée de Cheikh Mand. Jumelé au mausolée de Cheikh Sîn, le mausolée de Cheikh Mand est de construction récente. Il en présente globalement les mêmes caractéristiques architecturales. Les pieds-droits de sa porte d’entrée sont ornés de deux bas-reliefs de serpentspeints en noir.

Le Mausolée de Cheikh Chams : Il se trouve au cœur du cimetière de Mam Chevan. D’après les inscriptions sur sa façade est, au-dessus de la porte d’entrée, ce mausolée a été reconstruit en 1985. Il n’y a aucune information sur sa date de construction initiale.

Ce mausolée est de forme carrée et mesure 3,50 x 3,50 m, à l’avant duquel a été érigée un préau en béton armé. Une porte surbaissée située dans le mur donne accès à l’intérieur du mausolée. Il contient un sarcophage placé contre le mur nord, orienté nord-sud, que l’on suppose être la tombe de Cheikh Chams. Une niche carrée est dans le mur ouest et une autre se trouve dans le mur sud. Deux petites fenêtres surélevées situées dans le mur nord, deux autres localisées dans le mur sud  éclairent l’intérieur. La pièce est couverte par un dôme conique à rayons porté par un tambour à deux niveaux, le premier octogonal et le deuxième circulaire.

Au sud du mausolée de Cheikh Chams se trouve une petite stèle de forme cubique de moins d’un mètre de côté, peinte en blanc, avec un contour doré. Une petite niche permet d’y allumer le feu sacré. Des petits cailloux sont posés sur son dôme légèrement arrondi et marquent ainsi le passage et les prières des pèlerins.

Le mausolée de Cheikh Babik.Cheikh Babik est un personnage de la tradition yézidie que l’on pense être du XIIeou du XIIIesiècle. Un petit mausolée de 3 mètres de hauteur lui est dédié, à côté du mausolée de Cheikh Chams. Construit au début du XXe siècle, sa structure est tout à fait traditionnelle. Il est composé d’une base carrée, dans lequel une petite niche permet d’allumer le feu sacré. Au dessus s’élève le tambour formé d’une structure octogonale, surmonté d’une partie circulaire sur laquelle repose le dôme conique à arêtes. Au sommet de ce dôme, des étoffes de couleur sont accrochées à une flèche, comme le veut la tradition yézidie.

Plan du mausolée yézidi Cheikh Abû Bekir de Mam Chevan
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III.
Le mausolée yézidi Cheikh Abû Bekir de Mam Chevan
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III.
Le mausolée yézidi Cheikh Abû Bekir après pavement et rénovation à Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Linteau avec lion et taureau de la porte d'entrée du mausolée yézidi Cheikh Abû Bekir de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Le mausolée yézidi Cheikh Sîn (à gauche) et Cheikh Chams (à droite) de Mam Chevan
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III.
Le mausolée yézidi Cheikh Chams de Mam Chevan après construction de son préau
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Les mausolées yézidis Cheikh Mand (à gauche) et Cheikh Sîn (à droite) de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Entrée du mausolée yézidi Cheikh Mand de Mam Chevan, ornée de bas-reliefs à serpents
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Tombe et entrée du mausolée yézidi Cheikh Mand de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Le mausolée yézidi Cheikh Sîn de Mam Chevan
© Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d'Oxford et de Montpellier III
Le mausolée yézidi Cheikh Sîn de Mam Chevan après rénovation et aggrandissement
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Entrée du mausolée yézidi Cheikh Sîn de Mam Chevan avec inscriptions
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Inscriptions yézidies et arabes sur la façade du mausolée Cheikh Sîn de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Stèle avec niche pour feu sacré à côté du mausolée Cheikh Chams de Mam Chevan
Juin 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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