L’église chaldéenne Mar Guorguis de Baqofa

L’église Mar Guorguis de Baqofa se situe à 36°35’20.00″N., 43°7’50.40″E. et 335 mètres d’altitude. Baqofa est un très ancien village chaldéen.

 

Baqofa est cité dans la première moitié du VIIe siècle pour sa contribution à l’érection du monastère de Rabban Hormizd.

L’église Mar Guorguis de Baqofa est un édifice rustique, bâti en pierres grossières à mortier recouvert d’un enduit lisse. Elle se trouve dans un espace clos par un mur de 3 à 4 mètres de hauteur. Avant d’accéder à l’église proprement dite, il faut traverser le cimetière qui occupe la petite cour intérieure.

L’église est un édifice mononef à voûte en arc brisé. La porte royale du sanctuaire, en pierre de taille, est ornée de frises décoratives et d’inscriptions syriaques sur son arc supérieur qui témoignent de la restauration de 1868.


Église chaldéenne Mar Guorguis de Baqofa. Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Localisation

L’église Mar Guorguis de Baqofa se situe à 36°35’20.00″N., 43°7’50.40″E. et 335 et mètres d’altitude.

Baqofa se trouve sur la rive orientale du Tigre à 30 km au nord du centre-ville de Mossoul, à 12 km au nord de Tell Kaif (Tell Kepe), à 5 km au nord de Batnaya et à 2 km au sud-est de Tell Eskoff (Telskuf).

Ce très vieux village assyrien où ont été retrouvées des inscriptions cunéiformes a préservé son caractère traditionnel. Cette ancienneté explique que le village soit édifié partiellement sur un promontoire. Il s’agit d’un double tell archéologique, dont l’un des deux est en partie occupé par le cimetière du village.

Village de Baqofa et église Mar Guorguis.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Toponymie, économie

Le nom du village de Baqofa viendrait de B. Qōpé ce qui pourrait signifier le lieu boisé, bien qu’il ne subsiste ni bois ni forêt[1]. Le village de Baqofa vit exclusivement de l’agriculture céréalière.

[1] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 379.

Vue sur la plaine et les champs de Baqofa.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Production céréalière de Baqofa
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Démographie de Baqofa

Baqofa est un village exclusivement chaldéen. Comme pour nombre de villages de cette région, les habitants de Baqofa passèrent de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient (dite aussi Église de Perse ou Église nestorienne) à l’Église chaldéenne (unie à Rome) au XVIIIe siècle.

En 1850, George Percy Badger[1] y compta 20 familles. En 1923, Monseigneur Sayegh y compta 490 villageois. En 1961, il y avait « 70 à 80 familles », soit environ 400 personnes[2]. Avant l’irruption de daesh, en 2014, le village comptait 91 familles[3], soit environ 600 habitants. Pendant l’occupation, les habitants de Baqofa ont été contraints de s’exiler au Kurdistan d’Irak.

 

[1] Voir G.P.Badger « The Nestorians and their rituals », London, Joseph Masters, II. P.174

[2] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 380.

[3] Soufce Niniveh Reconstruction Committee : https://www.nrciraq.org/reconstruction-process/baqofa-restoration-process-and-returnees/

Jeunes filles de Baqofa.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Villageoise de Baqofa
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une histoire chrétienne

La tradition fait remonter la pénétration du christianisme dans la plaine de Ninive dès la fin du IVe  siècle ou au début du Ve. Plus sûrement, les sources plaident pour une évangélisation au VIIe siècle. C’est d’ailleurs au moine Abraham (Awrāha / Oraha), contemporain du patriarche de l’église de l’Orient Ishoʿyahb II (628-645) que l’on attribue la christianisation des villages de la région, dont le monastère abandonné se situe à quelques kilomètres de Baqofa et 1 km au nord-est de Batnaya.

Baqofa est également cité dans la première moitié du VIIe siècle pour sa contribution à l’érection du monastère de Rabban Hormizd[1] (è voir notice).

Au long des siècles, les cités chrétiennes de Mésopotamie subirent toutes sortes de destructions. Ainsi en 1235, Bar Hebraeus, maphrien syriaque-orthodoxe, savant et écrivain, raconta le passage et les ravages des Mongols. En 1743 le persan Nâdir Châh attaqua, pilla et ruina également toute la région. On sait que aussi que la peste sévit plus d’une fois à Mossoul et dans la plaine de Ninive, notamment en 1737/38, 1773, puis 1828.

Le monastère Dame des Moissons (è voir notice) détiendrait un manuscrit d’un moine copiste du XIXe siècle de Baqofa, Stéphane Marrōgue.[2] Le père Jacques-Eugene Manna[3], auteur d’un Vocabulaire chaldéen-arabe[4] en 1900, naquit à Baqofa en 1867.

[1] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 380 et E. A. Wallis Budge « Histories of R. Hormizd the Persian », 1902

[2] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 380.

[3] Jacques-Eugene Manna fut ensuite évêque de Tabbora et vicaire patriarcal de Bassorah. Décédé en 1928, sa sépulture se trouve à l’archevêché  chaldéen de Mossoul.

[4] Vocabulaire chaldéen-arabe, Imprimerie des Pères Dominicains, Mossoul, 1900

Croix sur le mur de l'église Mar Guorguis de Baqofa.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire récente de Baqofa : 2014-2017

Les villageois de Baqofa furent contraints d’abandonner leurs maisons et se réfugièrent dans le Kurdistan lorsque daesh pénétra dans la plaine de Ninive en août 2014. Une centaine de maisons de Baqofa a été saccagée. 5 ont été détruites. Depuis la défaite de daesh et la libération du village, les villageois sont revenus progressivement.

Toutefois, le 24 octobre 2017 les habitants de Baqofa quittèrent une fois de plus le village, à cause des accrochages entre les peshmergas kurdes et l’armée gouvernementale en raison des tensions nées du référendum d’indépendance du Kurdistan d’Irak. Bakofa (et Tellskof) sont en effet situés dans une zone « grise » que contrôlaient de facto les peshmergas et sur lesquels le gouvernement central de Bagdad a réaffirmé son autorité.

Dans les rues de Baqofa, après la libération du village.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire de l’église Mar Guorguis de Baqofa

La date de fondation de l’église Mar Guorguis de Baqofa n’est pas connue. Toutefois, la conversion du village au christianisme dès le VIIe siècle autorise à penser qu’une église y existe depuis toujours.

Incontestablement l’église Mar Guorguis présente toutes les caractéristiques d’une église ancienne, sans doute régulièrement rénovée, restaurée, voire renouvelée notamment en octobre 1868[1] puis à la fin des années 1950 ou au début des années 1960.

 

[1] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 380.

Inscriptions syriaques sur une porte de l'église Mar Guorguis de Baqofa.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Description de l’église Mar Guorguis de Baqofa

L’église Mar Guorguis de Baqofa est un édifice rustique, bâti en pierres grossières à mortier recouvert d’un enduit lisse. Sa toiture en terrasse est surmontée d’un clocheton et d’un dôme conique sur un tambour sans fenêtre au dessus du sanctuaire.

L’église Mar Guorguis se trouve dans un espace clos par un mur de 3 à 4 mètres de hauteur, percé de deux porches d’entrée à portes métalliques. Avant d’accéder à l’église proprement dite, il faut traverser le cimetière qui occupe la petite cour intérieure.

On pénètre dans l’église par une porte sobrement ouvragée et sans inscription apparente. L’église, plongée dans une semi obscurité, est un édifice mononef à voûte en arc brisé. La porte royale du sanctuaire, en pierre de taille, est ornée de frises décoratives et d’inscriptions syriaques sur son arc supérieur qui témoignent de la restauration de 1868. Le sanctuaire est équipé d’un autel à degrés adossé contre l’abside.

Les murs intérieurs, porte royale incluse, ont été peints en bleu.

Une des plus vieilles inscriptions syriaques identifiée est datée de 1565[1].

Dans le cimetière ancien du village se trouve une chapelle consacrée à Mart Schmouni.

[1] Source http://www.chaldeansonline.org/village/baqofa.html

Église chaldéenne Mar Guorguis de Baqofa.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Porte d'entrée vers la cour intérieure de l'église Mar Guorguis de Baqofa.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Cimetière dans la cour intérieure de l'église Mar Guorguis de Baqofa.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Porte d'entrée de l'église Mar Guorguis de Baqofa.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Tableau électrique et tableau de la Vierge Marie dans l'église Mar Guorguis de Baqofa
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Nef et sanctuaire de l'église Mar Guorguis de Baqofa.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Mémoire d’un survivant de Baqofa

Depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003 et l’émergence des groupes islamico-mafieux, nombre d’irakiens chrétiens ont été victimes d’enlèvements, dans toutes les régions et toutes les villes du pays : Bagdad, Mossoul, Plaine de Ninive… « Chantage, rivalité politico-religieuse, fondamentalisme islamiste, appât du gain. Les chrétiens redoutent ces pratiques. Les enlèvements de religieux visent à intimider la frêle communauté chrétienne. Les enlèvements de jeunes filles chrétiennes et parfois leur disparition les terrorisent et les poussent à fuir et tout abandonner. D’autres enlèvements visent des membres de familles chrétiennes aisées. Dans tous les cas, il faut payer, sinon c’est la mort[1] ». Le 14 février 2008, la délégation de Pax Christi conduite par Monseigneur Marc Stenger se rendit à Baqofa et rencontra un otage qui avait été libéré le matin même. « Héros bien malgré lui, l’agriculteur avait été kidnappé dans son champ,  une semaine plus tôt. Le prix de sa vie : 60 000 $ (40 000 €) : « Nous les chrétiens nous sommes menacés. C’est en rentrant de mon travail qu’ils m’ont kidnappé. Ils étaient trois, puissamment armés, avec 2 mitrailleuses et un revolver. Ils étaient masqués. J’ai été pris en otage pendant 8 jours. Çà ne s’est pas bien passé avec mes ravisseurs. Aucune communication entre moi et ma famille. Ils ont pris plus que notre force et notre capacité. Ils ont pris le travail des années et des années et le reste a dû être emprunté à d’autres pour me libérer.[2] » Qui étaient les ravisseurs ? Personne ne sait, mais tout le monde sait que les chrétiens sont pacifiques. Des proies faciles

[1] In « Chrétiens d’Orient, ombres et lumières » de Pascal Maguesyan. Éditions Thaddée, Octobre 2013.

[2] Id.

40 000 € le prix d'une vie. À Baqofa, rencontre avec un Chrétien libéré contre rançon.
Février 2008 © Pascal Maguesyan

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