Le sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa

Le sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa se situe à 36°23’29.1″N 44°19’41.9″E et  1070 mètres d’altitude.

Simple ermitage de montagne à l’origine,  ce sanctuaire du mont Safin est un haut-lieu de pèlerinage, notamment pour les femmes, chrétiennes et musulmanes, qui prient Rabban Boya d’exaucer leur vœu de fertilité.  Aujourd’hui, le chemin aménagé sur la première moitié du parcours facilite la progression des visiteurs et des pèlerins, mais la seconde partie préserve encore le caractère authentiquement rudimentaire des premiers temps de la christianisation de Shaqlawa et de la vie érémitique de Rabban Boya.


Plan du sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa © In « Les églises et monastères du « Kurdistan irakien » à la veille et au lendemain de l’islam », p. 228. Thèse de doctorat de Narmen Ali Muhamad Amen à l’université de Saint Quentin en Yvelines, sous la direction de George Tate et la codirection de Jean-Michel Thierry. Mai 2001.

Plan monument

Localisation

Le sanctuaire de Rabban Boya se situe à 36°23’29.1″N 44°19’41.9″E et 1070 mètres d’altitude[1], dans la ville de Shaqlawa, à l’est du Grand Zab et à 48 km au nord-est d’Erbil. Le sanctuaire est littéralement niché au cœur d’un défilé escarpé du mont Safin, contrefort du massif montagneux du Kurdistan d’Irak. L’ermitage est comme un promontoire, depuis lequel on peut apercevoir en contrebas la ville de Shaqlawa et la vallée. Le sanctuaire est également connu sous le nom de Rabban Beri par la communauté chrétienne de Shaqlawa[2]ou encore Rabban Berī, ou « comme l’appellent les Kurdes de Shaqlawa, Šeih ŪsūRahman[3]. »

[1]Coordonnées et altitude à vérifier

[2]Selon Ninos Hanna, natif de Shaqlawa et résidant à Ankawa, le nom de Rabban Boya semble surtout être utilisé par les Chrétiens d’Ankawa

[3]In « Les églises et monastères du « Kurdistan irakien« à la veille et au lendemain de l’islam ».Thèse de doctorat de Narmen Ali Muhamad Amen à l’université de Saint Quentin en Yvelines, sous la direction de George Tate et la codirection de Jean-Michel Thierry. P.209. Mai 2001.

La ville de Shaqlawa vue du sanctuaire de Rabban Boya
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Le sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa. Entrée du domaine
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’histoire chrétienne

L’histoire locale de Shaqlawa est tout d’abord celle d’une région de Mésopotamie devenue le royaume d’Adiabène, avec Erbil (Arbèles) pour capitale, où le judaïsme était fortement implanté. Cette région est réputée avoir été évangélisée par des apôtres du Christ et notamment Thaddée (Addaï) et Thomas accompagnés de leurs disciples. Les premières communautés chrétiennes qui s’y développèrent étaient sans doute issues des communautés juives locales. Dès les premiers siècles ces communautés chrétiennes connurent des persécutions, notamment perse et assyrienne, pas nécessairement systématiques et permanentes mais récurrentes et éprouvantes, toujours liées au bon-vouloir des souverains tout autant qu’à la tectonique géopolitique.

Originellement le sanctuaire de Rabban Boya n’était qu’un ermitage, comme il en existe tant dans ces montagnes kurdes. Il devint semble-t-il ensuite un deir, c’est à dire un monastère. Il existe en effet des preuves « que les moines qui vivaient là se livraient à une petite industrie de tissage, notamment des vêtements en poils de chèvre[1] ». Aujourd’hui, toute présence érémitique ou monastique a disparu. Le site persiste en tant que mausolée et contiendrait les restes vénérés de quelques saints moines, dont ceux supposés de Rabban Boya.

Grande ville kurde de la province d’Erbil de 25 000 habitants, Shaqlawa entretient encore aujourd’hui une petite communauté chrétienne, essentiellement chaldéenne, de 150 familles[2], à laquelle il faut ajouter de nombreux déplacés chrétiens irakiens. Il y a seulement quelques dizaines d’années 500 familles chrétiennes habitaient encore à Shaqlawa.

[1] Id.

[2] Source Ninos Hanna

Montagne autour du sanctuaire de Rabban Boya
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une tradition

Rabban Boya est supposé avoir vécu à l’époque de Mar Audicho’ et Mar Qardagh, c’est à dire au IVe  siècle. Leurs destins sont en effet liés, d’autant que le vénérable saint homme est cité dans l’hagiographie de Mar Qardāg.  La tradition rapporte que Rabban Boya vécut près de 68 ans d’ascèse et de prière dans son ermitage de Shaqlawa. Une nuit, il reçut en songe le commandement de Dieu de se lever et d’aller visiter Mar Audicho’ dans sa grotte de la montagne Bet Brach (à proximité de Shaqlawa et d’Erbil). Pourtant déjà très âgé, Rabban Boya se mit en marche, parcourut la montagne et surprit ainsi de son zèle et de son courage Mar Audicho’. Là, Rabban Boya aurait rencontré le futur Mar Qardagh afin de le conforter dans sa foi. Alors gouverneur de Shaqlawa, Mar Qardagh se  convertit au christianisme avant d’être martyrisé à Erbil en 359 pour avoir refusé d’abjurer et de renouer avec le paganisme. On dit de Mar Qardagh qu’il vint souvent visiter Rabban Boya dans son ermitage de Shaqlawa.

Une autre tradition locale, complémentaire, rapporte que Rabban Boya s’était installé à l’origine sur l’autre versant de la falaise d’où il pouvait voir la maison de sa mère. Une arche dans la montagne signale cet emplacement. Ce n’est qu’au décès de celle-ci qu’il installa et aménagea son ermitage sur le versant de la falaise que l’on visite de nos jours.

Ancien ermitage dans la montagne près du sanctuaire de Rabban Boya
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Le sanctuaire de Rabban Boya

Pour accéder au sanctuaire de Rabban Boya, il faut entrer dans un vaste domaine religieux au pied de la falaise, fermé par un portail, derrière lequel se trouve l’église de la Sainte Vierge, située à 36°23’50.4 »N 44°19’48.8 »E et 986 mètres d’altitude[1]. Vraisemblablement construite en 1930, cette  église a été rénovée en 1992, après la création de la zone kurde d’exclusion aérienne, au nord du 36e parallèle. Elle est utilisée essentiellement pour des cérémonies de funérailles. Les défunts sont ensuite enterrés dans le cimetière adossé à l’église lui aussi rénové. Notons qu’un ancien cimetière juif est également encore visible dans le secteur de Shaqlawa.

Le chemin d’accès au sanctuaire depuis le bas de falaise ainsi que la barrière métallique à l’entrée de l’ermitage ont été construits au début du XXIe siècle grâce au mécénat de Sarkis Aghajan, ancien ministre chrétien du gouvernement régional kurde. Autrefois, l’ascension vers l’ermitage devait être particulièrement rude sur ce petit sentier rocailleux et escarpé. Aujourd’hui, le chemin pavé aménagé sur la première moitié du parcours facilite la progression des visiteurs et des pèlerins, mais la seconde partie préserve encore le caractère authentiquement rudimentaire des premiers temps de la christianisation de Shaqlawa et de la vie érémitique de Rabban Boya. Nombre de visiteurs qui ne peuvent effectuer l’ascension jusqu’à l’ermitage pratiquent leurs dévotions et effectuent leurs rogations devant une large grotte en forme d’alcôve au pied du sentier.

Une fois l’ascension effectuée, juste avant d’arriver au sanctuaire, on peut observer un puits creusé en terre de 7 à 10 mètres de profondeur, qui permettait autrefois de collecter les eaux de la montagne. Depuis le début des années 2000, une canalisation draine l’eau jusqu’au bas de la falaise et alimente un réservoir à côté de la grotte du bas. Là encore cette infrastructure a été financée grâce aux fonds accordés par Sarkis Aghajan.

Le sanctuaire proprement dit est demeuré un espace pauvre et austère. Seuls un escalier métallique ainsi qu’un mur de pierres édifié à son entrée sont une concession à la modernité.  Pour le reste et l’essentiel le sanctuaire de Rabban Boya est constitué de plusieurs pièces creusées dans la roche. Immédiatement après l’entrée, à gauche, on aperçoit une grosse dalle de pierre rectangulaire polie et inclinée, sur laquelle, depuis des siècles, nombre de femmes chrétiennes et musulmanes viennent se frotter le ventre et s’y laissent glisser pour exaucer leur vœu de fertilité. La tradition attribue en effet à l’intercession du saint homme le pouvoir miraculeux de rendre fécondes les femmes stériles.

Au nord, la chambre la plus à gauche de l’ermitage est considérée par l’archéologue Narmen Ali Muhamad Amen comme un martyrion[2] où se trouverait le tombeau de Rabban Boya. Toutefois, cet espace naturellement surélevé pourrait être également une chapelle, puisque on y accède par ce qui ressemble à une porte sainte basse et étroite, au delà de laquelle se trouve ce qui semble être un autel à degrés orienté vers l’est et ouvert sur le vestibule et les deux autres chambres dans l’alignement[3].

Pour les gens du village[4], le tombeau du saint est situé dans la pièce de droite, contre la paroi de la falaise, sous un tas de cailloux.

On célèbre localement Rabban Boya, une semaine après Pâques. Le printemps, avant et après la fête de la Résurrection est une période intense de pèlerinages au sanctuaire, qui se justifient également par une météo clémente, un accès moins difficile et les nombreux pique-niques organisés en chemin.

[1] Vérifier les coordonnées et l’altitude

[2] In « Les églises et monastères du « Kurdistan irakien«  à la veille et au lendemain de l’islam ». Thèse de doctorat de Narmen Ali Muhamad Amen à l’université de Saint Quentin en Yvelines, sous la direction de George Tate et la codirection de Jean-Michel Thierry. Mai 2001. P.211 et suivantes.

[3] Voir le plan de Narmen Ali Muhmad Amen.

[4] 15 juillet 2017. Témoignage de Ninos Hanna, natif de Shaqlawa,.

Église de la Sainte Vierge dans le domaine religieux du sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Cimetière de l'église de la Sainte Vierge dans le domaine religieux du sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Ascension vers le sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Chemin d'accès au sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Grotte votive sur le chemin d'accès au sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Chemin d'accès au sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa. Ancien puits
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa. Entrée aménagée et rénovée
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa. Vue supérieure
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa. Vue inférieure
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Sanctuaire de Rabban Boya à Shaqlawa. Pierre votive
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Contribuez à la sauvegarde de la mémoire des monuments.

Photos de famille, vidéos, témoignages, partagez vos documents pour enrichir le site.

Je participe