L’église de Saint Jacques le démembré (Mar Yacoub al Mouqatta) et Saint André de Bakhdida (Qaraqosh)

L’église syriaque-catholique Mar Yacoub al Mouqatta se situe à 36°16’14.47″N, 43°22’45.54″E et 275 mètres d’altitude.

Connue sous le nom Mar Yacoub al Mouqatta, l’église porte en réalité un double patronage et donc un double nom. Elle est consacrée à Saint Jacques le démembré (Saint Jacques l’Intercis) et Saint André l’apôtre.

L’église Mar Yacoub al Mouqataa est attestée dans un manuscrit de 1712. Elle subit en 1743 les dévastations du perse Nâdhir Shâh mais fut reconstruite en 1744 par le gouverneur de Mossoul. Elle fut au XVIIIe siècle la première église de Qaraqosh attribuée aux catholiques, avant le partage définitif des lieux de culte en 1837. En 1910, elle fut rasée pour construire l’actuel édifice. Les dégradations commises par Daesh à l’intérieur de l’église sont relativement moins graves que celles commises dans les autres églises de Bakhdida (Qaraqosh). 


Plan d’après Suhayll Qasha,1982, modifié, extrait de « Les églises et monastères du Kurdistan irakien à la veille et au lendemain de l’islam », thèse de doctorat de Narmen Ali Amen. Université de Saint Quentin en Yvelines. Mai 2001, p.201

Plan monument

Localisation

L’église syriaque-catholique Mar Yacoub al Mouqatta se situe 36°16’14.47″N, 43°22’45.54″E et 275 mètres d’altitude dans la ville de Bakhdida (Qaraqosh).

Au cœur de la plaine des Syriaques, à 30 km au sud-est de Mossoul et 80 km à l’ouest d’Erbil, Bakhdida (Qaraqosh) est la plus grande ville chrétienne de la plaine de Ninive, à 40 km en amont de la confluence du Tigre et du Grand Zab. En somme une « capitale » communautaire et confessionnelle.

Autrefois implantée dans le secteur nord du village de Bakhdida (Qaraqosh), l’église  syriaque-catholique Mar Yacoub al Mouqassa est à présent située en plein centre ville, entre l’église Mar Yohanna et l’église Al Tahira.

Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh)
Janvier 2018 © Astrid Raudot de Chatenay / KTO / MESOPOTAMIA

Toponymie de Bakhdida (Qaraqosh)

Si le nom de Qaraqosh, littéralement l’Oiseau Noir en langue turque, demeure encore abondamment employé, il ne faudrait surtout pas négliger son nom syriaque originel Baghdédé (Baghdeda) probablement « dérivé de Bet Khudaydad qui est à la fois sémitique (Bet) et perse  (Khudaydad) [et qui] signifie « la place, la maison donnée par Dieu »[1] dont l’usage semble redevenir primordial

[1] Source Jean-Marie Mérigoux, O.P., in « L’Orient chrétien dans l’empire musulman », Collection Studia Arabica III, Editions de Paris, 2005.

Petit "musée" syriaque à côté de l'église Mar Yacoub al Mouqataa
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA

Fragments d’histoire chrétienne de Bakhdida (Qaraqosh)

La tradition fait remonter la pénétration du christianisme dans la plaine de Ninive et la cité de Bakhdida (Qaraqosh) dès la fin du IVe  siècle ou au début du Ve. Plus sûrement, les sources plaident pour une évangélisation au VIIe siècle.  « Le village fut tout d’abord nestorien[1], puis vers 615, [il] devint monophysite[2]. Aux XIe et XIIe siècles beaucoup de Chrétiens de Tikrit qu’on voulait forcer à devenir musulmans, quittèrent leur ville et vinrent s’installer à Baghdédé. En 1743, les troupes de Nâdhir Shâh qui assiégèrent la région pillèrent Baghdédé et détruisirent les églises. C’est alors que les habitants du village se réfugièrent à Mossoul où ils participèrent à la défense de la ville »[3]. Ancien siège épiscopal syriaque-orthodoxe, c’est vers la fin du XVIIIe siècle que le village devint catholique avant que soit procédé en 1837 au partage définitif des églises.

La ville de Bakhdida (Qaraqosh) compte encore de nos jours plusieurs anciennes églises syriaques-catholiques et orthodoxes. Toutes ont été profanées, souillées, saccagées, voire incendiées par l’organisation État islamique, tout au long des 24 mois que dura l’occupation de la ville, d’août 2014 à octobre 2016. Malgré les dommages et destructions endurées, certaines de ces églises résistent encore au temps et aux envahisseurs et continuent de témoigner de ce lointain passé.

Depuis la libération Bakhdida (Qaraqosh) renoue progressivement avec son empreinte spirituelle originelle. Avec le retour des habitants depuis avril 2017, la cité redevient progressivement un pôle primordial pour le renouveau syriaque et chrétien de la plaine de Ninive et de la Mésopotamie.

[1] Nda : l’Eglise de l’Orient.

[2] Nda : syriaque-orthodoxe

[3] Source Jean-Marie Mérigoux, O.P., in « L’Orient chrétien dans l’empire musulman », Collection Studia Arabica III, Editions de Paris, 2005.

Petit "musée" syriaque à côté de l'église Mar Yacoub al Mouqataa
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA

Démographie qaraqoshienne

Il serait bien hasardeux de présenter des statistiques démographiques fiables dans cette ville (et dans ce pays) où tout recensement est impossible du fait des guerres successives et des mouvements de population permanents. Néanmoins, on peut admettre qu’un minimum de 40 000 à 50 000 personnes vivaient à Bakhdida (Qaraqosh) avant l’offensive de l’organisation État Islamique (Daesh). Certaines estimations de Qaraqochiens, sans doute exagérées, portaient ces statistiques à 70 000 personnes.

Il faut ajouter des milliers de déplacés (entre 5000 et 13 000 selon les périodes), chrétiens de Bagdad et de Mossoul, arrivés à Bakhdida (Qaraqosh) à partir de 2003, pour échapper aux crimes et délits des groupes islamico-mafieux nés de l’effondrement des structures de l’État irakien et pour lesquels biens des efforts avaient été consentis en faveur d’une implantation  durable.

Quelque soit la réalité  des données démographiques, près de 90 % des habitants de Bakhdida (Qaraqosh) étaient syriaques-catholiques, les autres se répartissant entre syriaques-orthodoxes, chaldéens (catholiques), ainsi qu’une toute petite communauté apostolique arménienne.

La ville qui passe pour avoir été exclusivement chrétienne avant 1980, comptait dans les années 60 environ 1300 familles syriaques-catholiques ainsi qu’une minorité syriaque-orthodoxe[1]. Elle a cependant vu arriver progressivement plusieurs dizaines de familles musulmanes, dans le cadre de la politique d’arabisation de la plaine de Ninive mise en œuvre par Saddam Hussein.

[1] Selon Mgr Ephrem Abdal cité par Jean-Maurice Fiey, dans « Assyrie Chrétienne », vol.II, p.445-446

Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Dans la cour, grotte mariale "de Lourdes"
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA

À propos de Mar Yacoub al Mouqatta

Saint Jacques le démembré est un personnage du Ve siècle, martyr vers 421. Officier persan de haut rang de la ville de Beth-Lafat (ou Beth Lapeta), converti au christianisme, il abjura sa foi devant le roi perse sassanide Yazdgard Ier (autrement nommé Izdigerdès, Yesdegird, ou Yezdajat). Son reniement initial, à l’instar de celui de l’apôtre Pierre, devint le socle sur lequel s’affermit sa foi. Blâmé par sa mère et par sa femme, Jacques se repentit. La tradition rapporte en effet que 2 ans après mort de Yazdgard, il se présenta devant son fils et successeur Vahram V (autrement nommé Vararanne ou Varanès) pour lui déclarer sa foi. Son châtiment n’en fut que plus atroce puisqu’il fut littéralement découpé en morceaux. 28 dit-on, lentement, depuis les doigts jusqu’à la tête. Sa chronique hagiographique raconte dans ses moindres détails, morceau après morceau, le dialogue prodigieux entre le martyr et ses bourreaux.

Saint Jacques le démembré est célébré le 27 novembre et son histoire fait l’objet d’une chanson.

Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Fresque du démembrement de Saint Jacques
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Fresque du démembrement de Saint Jacques (détail)
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire de l’église Mar Yacoub al Mouqatta de Bakhdida (Qaraqosh)

La date de la fondation de l’église syriaque-catholique Mar Yacoub al Mouqatta de Bakhdida (Qaraqosh) n’est pas connue. La tradition rapporte qu’il exista à l’emplacement de l’actuelle église St Jacques une petite chapelle dès le XIe siècle dédiée à St André l’apôtre. Considérée comme très ancienne, l’église syriaque-catholique Mar Yacoub al Mouqatta est attestée dans un manuscrit de 1712[1].

L’église fut ruinée en 1743 par les troupes du perse Nâdhir Shâh qui pillèrent le village, la région et détruisirent les églises, avant sa reconstruction en 1744 par le gouverneur de Mossoul.

Alors qu’une partie des chrétiens de Bakhdida (Qaraqosh) devint catholique au XVIIIe siècle, une église devint nécessaire pour y célébrer le culte. Hassan Pacha, gouverneur de Mossoul, leur attribua l’église Mar Yacoub al Mouqatta.

L’église syriaque-catholique Mar Yacoub al Mouqatta de Bakhdida (Qaraqosh) jouit ainsi d’une « valeur spéciale pour les catholiques, dont elle fut le premier temple entièrement concédé à leur usage [2] » avant le partage définitif des lieux de culte.

Le développement du catholicisme fut tel, qu’il devint notamment nécessaire d’agrandir l’église Mar Yacoub al Mouqatta. En 1910, la solution retenue fut radicale. L’ancienne église fut détruite pour y construire en lieu et place l’actuel édifice.

Le domaine religieux Mar Yacoub al Mouqatta fut semble-t-il également un couvent[3] et comprit même à une époque récente une école pour filles qui compta jusqu’à 7 classes, construite en 1935, et qu’administrèrent les Sœurs Dominicaines. Aujourd’hui, cette école a été détruite et une grande école pouvant accueillir 300 enfants a été construite dans le quartier. C’est à cette époque là que l’on construisit le clocher.

[1] In « Assyrie Chrétienne », vol.II, Jean-Maurice Fiey, p.454

[2] In « Assyrie Chrétienne », vol.II, Jean-Maurice Fiey, p.454

[3] Jean-Maurice Fiey cite à ce propos Mgr Ephrem Abdāl, supérieur du couvent de Mar Behnam, né à Qaraqosh (Baghdeda), qui y fait allusion dans le récit qu’il consacra à son village natal.

Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Façade ouest
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Façade ouest, croix détruite par Daesh
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Description de l’église Mar Yacoub al Mouqatta de Bakhdida (Qaraqosh)

Difficile de savoir ce que fut l’église ancienne Mar Yacoub al Mouqatta de Bakhdida (Qaraqosh), puisque rien n’en subsista lors de la construction de l’église moderne, que découvrit en son temps le savant dominicain Jean-Maurice Fiey. Depuis lors, l’église été une fois de plus rénovée.

Comme presque toutes les églises de Bakhdida (Qaraqosh), l’édifice a été équipé à la fin du XXe siècle d’un parement en pierre de tailles ocre-blanche. Vu de l’extérieur l’édifice est relativement imposant. Il est surmonté, à l’est, d’un dôme à tambour au dessus du chevet.

À l’intérieur, l’église Mar Yacoub al Mouqatta présente un plan basilical à 3 nefs et 5 travées, typique de l’architecture religieuse des églises assyriennes occidentales (syriaque-orthodoxe et catholique). Au bout de la nef surmontée d’une voute en berceau, on accède à la plateforme du chœur réservée aux célébrants, avant  d’accéder au sanctuaire. Le Saint-des-Saints (le sanctuaire) orienté vers l’Orient, est tripartite. Au centre du chevet se dresse le maître-autel à degrés. Autrefois adossé contre l’abside et précédé d’une arche de pierres, il a été déplacé et avancé à la fin des années 80 pour permettre la célébration face aux fidèles. Son arche a été placé contre le mur.

Au dessus du chevet se dresse un dôme. Originellement sans fenêtres, le dôme était équipé de petites ouvertures hautes et rondes pour éviter, dit-on, les vols et pillages. En 1983, abouna Youssef Abba, actuel évêque de Bagdad entreprit quelques travaux de rénovation, notamment le percement de fenêtres pour faire passer la lumière. Les menaces qui pesaient sur l’édifice étaient alors moindres.

Le sanctuaire central communique avec ses deux annexes, le martyrium (bēt sōhdē, en syriaque) au nord, la sacristie (bēt diāqōn) au sud. La cuve baptismale semble être placée à l’entrée du bas-côté nord. La nef et les deux bas-côtés sont séparés du sanctuaire par la porte royale, au centre, et deux portes latérales.  Les portes et les arcs sont faits en marbre gris de Mossoul. Les sculptures qui ornent la porte sainte sont riches et finement ciselées de feuilles d’acanthe et autre croix fleuries, tout autant que l’arche qui rehausse et embellit le maître-autel.

L’église abrite à gauche de la première porte d’entrée côté droit les reliques de Mar Gabriel, un saint de la région. Trouvées lors des travaux de l’église Al Tahira, ces reliques ont été offertes par Monseigneur Georgis Jalla à l’église St Jacques en 1943. Elles sont incrustées dans le mur et ne sont pas visibles aux néophytes.

En 1984, abouna Noël Qas Toma, chorévêque de l’église Al Tahira, y fut nommé curé. Durant les 18 ans où lui fut confiée l’église, il entreprit de nombreux travaux. Dans la cour de l’église où se trouvait le cimetière et l’école il fit construire une salle pour les activités paroissiales et les condoléances. Il fit construire une cour plane et les  corps des défunts furent transportés dans le cimetière à l’extérieur de la ville.

À l’intérieur de l’église, il fit réaliser une tribune pour la chorale dans le fond de l’église.

Il installa également la statue du Christ Roi qui se trouvait dans la cour au dessus de l’église. Cette statue fut détruite par les jihadistes tout comme le clocher. La statue n’est plus visible aujourd’hui. Un nouveau clocher a été installé en octobre 2017.

Abouna Noël Qas Toma fonda aussi deux groupes de « Amour et joie » l’équivalent irakien du mouvement de Jean Vanier « Foi et Lumière ».

Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Galerie nord
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Nef
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Temps de prière devant l'autel
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Autel
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Frise de l'arche de la porte royale
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Croix de vie fleurie
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Abouna Noël Qas Toma, ancien curé de l'église Mar Yacoub
Janvier 2018 © Astrid Raudot de Chatenay / KTO / MESOPOTAMIA

Actualité de l’église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh)

Les dégradations commises par Daesh à l’intérieur de l’église Mar Yacoub al Mouqataa sont relativement moins graves que celles commises dans les autres églises de Qaraqosh. En revanche, à l’extérieur de l’église, certains des équipements annexes ont été dynamités.

Un nouveau clocher a été construit en octobre 2017.

Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Les destructions commises par Daesh
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Destruction des symboles chrétiens par Daesh
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Mar Yacoub al Mouqataa de Bakhdida (Qaraqosh). Statue détruite par Daesh
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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